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L'envol des tourterelles

Titel: L'envol des tourterelles Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Arlette Cousture
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à voix basse ce que Casimir faisait avec eux devant le
Golden Boy
. Stanislas eut une violente envie d’embrasser sa mère tant elle l’impressionnait par sa perspicacité, mais il ne cilla pas, laissant son regard soudé à celui de son père.
    – J’ai quand même le droit d’emmener mon meilleur ami pour lui montrer une statue…
    – Pas une statue, Jerzy. Tu as décrété que c’était le monument funéraire d’un petit garçon qui était ton frère et l’oncle de ton fils. Combien de fois es-tu allé à Winnipeg avec Casimir? Cinquante, cent? Et tu n’as jamais pensé à le faire? Non. Moi, je pense que tu l’as emmené aujourd’hui pour éviter d’entendre ce que Stanislas… pardon… ton fils avait à te dire.
    – Mon fils a des choses à me dire? Qu’est-ce que tu as à me dire?
    Stanislas se mordit l’intérieur de la joue, espérant que son père comprendrait qu’il ne pouvait parler devant sa mère. Mais Jerzy ne comprit rien et répéta sa question. Alors, Stanislas oublia Pamela et annonça le plus doucement possible qu’il voulait poursuivre ses études à Montréal. Jerzy jeta un coup d’œil à Anna pour voir si elle était au courant de ce projet insensé,puis il dévisagea Stanislas qui ne bougea pas. Il se leva et sortit sans dire un mot, sans même laisser deviner ce qu’il pensait. Il marcha en direction de la rivière et alla s’asseoir sur le rivage, la gorge coincée par l’étau de l’urgence. Rien n’allait plus. Si son fils voulait aller étudier à Montréal, c’était signe que le temps était venu de l’inscrire à l’université de Cracovie. Jerzy se sentait désespéré, puisqu’il lui faudrait vendre sa ferme et partir dès l’automne, une année plus tôt que prévu. Casimir lui avait affirmé qu’à eux deux ils réussiraient à rendre la terre encore plus productive, avec l’alternance de culture et de jachère. Quant à Sophie, elle allait griffer, cracher, mais lui et Anna viendraient sûrement à bout de son entêtement. Elle ne pouvait pas sérieusement croire qu’elle ferait carrière avec ce groupe toujours aussi peu ragoûtant. Il n’était pas trop tard pour l’inscrire au Conservatoire de chant de Cracovie et il se promit de le faire dès le lendemain matin.
    Il n’entendit pas venir Anna, qui lui caressa le dos comme elle seule savait le faire pour calmer son tourment. Il aurait voulu poser sa tête sur son épaule et lui dire qu’il n’en pouvait plus d’avoir un fils qui le méprisait et une fille pour laquelle il n’existait plus. Il aurait voulu lui dire aussi que son mal du pays se faisait de plus en plus insupportable, véritable suffocation malgré l’air étourdissant des plaines canadiennes, mais elle n’aurait rien compris. Elle refusait toujours sa patrie, lui disant que, après avoir vécu vingt ans dans son pays d’adoption, il n’était polonais que de nom et non d’appartenance. Comment pouvait-elle comprendre, alors qu’elle habitait la maison où elle avait poussé son premier cri, fait ses premiers pas, perdu sa première dent, échangé son premier baiser, et fêté sesépousailles? Il se leva et commença à marcher le long de ses terres, suivi d’Anna qui demeurait en retrait, attendant qu’il l’invite à s’approcher. Elle avait encore et toujours raison, et les enfants lui donnaient à elle seule l’amour qu’ils auraient pu partager entre eux. Il ne savait comment les reconquérir, car c’était bien d’une conquête qu’ils avaient besoin. Il était certain que, s’il transplantait toute sa famille en Pologne, ils prendraient plaisir, ensemble, à acheter une nouvelle terre qui n’attendrait que les semences pour produire; à parler polonais partout et tout le temps avec tout le monde, plus personne ne leur disant qu’ils avaient un drôle d’accent; à découvrir les magasins et les musées; à assister à des concerts donnés par de vrais musiciens, héritiers d’une tradition séculaire. Ils seraient tellement bien, si seulement ils voulaient prendre le risque qu’il leur proposerait. Il regarda sa terre fraîchement soulagée du poids de la neige et dont le brun demeurait timide à cause de deux gelées tardives. Il possédait maintenant plus de quarante arpents et il avait dû troquer, grâce à la marge de crédit consentie par son gérant de banque, son petit tracteur contre un gros Massey-Ferguson auquel il attachait ses différentes charrues.
    Jerzy sentit qu’Anna avait

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