L'envol du faucon
revenez fatigué le soir. Qu'est-ce que j'en pense, à votre avis ? » Elle ne le quitta pas un seul instant des yeux, mais l'expression de Phaulkon ne laissa rien paraître. « Il me faut ensuite considérer votre nature, poursuivit-elle avec un mépris glacial, l'honnêteté, l'intégrité et la moralité de l'homme que j'ai épousé. Après m'avoir assuré avec de belles paroles que vous aviez renoncé à vos vieilles habitudes et dispersé votre harem, vous allez derrière mon dos demander à Sa Majesté d'héberger vos femmes pour vous. Que croyez-vous que cela me fasse de savoir que je ne pourrai jamais plus avoir confiance en vous ? »
Sa voix trahissait la haine et la colère, et Phaulkon n'était pas plus immunisé contre la première que contre la seconde. « Ce sont là de dures paroles, Maria », dit-il, le visage pâle. Une part de lui-même avait beau s'être toujours préparée à une telle scène, il n'en regrettait pas moins amèrement qu'elle se produisît. « Elles sont également injustifiées. » Il tenta de faire quelques pas dans sa direction, mais elle s'écarta de lui.
« Quel effet croyez-vous que cela me fasse de porter l'enfant d'un menteur, d'un hypocrite, d'un adultère et d'un débauché ? Vous qui vous dites catholique ! » Elle haussa les épaules. « Vous n'êtes pas catholique. Vous l'êtes devenu par ambition et vous m'avez épousée pour les mêmes raisons. »
Phaulkon resta un moment sans voix. « Porter l'enfant de... » Il lui tendit les bras. « Vous êtes enceinte ! s'exclama-t-il avec une joie sincère.
— N'approchez pas ! siffla-t-elle alors qu'il se dirigeait vers elle. Ne me touchez pas ! Peut-être reve-nez-vous de chez elle. Est-ce pour cette raison que vous rentrez si tard ? »
Il resta immobile et la regarda. « J'arrive à la minute de Louvo, et les mots me manquent pour dire combien je suis ravi d'apprendre ce que vous venez de m'annoncer. Pas étonnant que vous soyez en proie à ces idées folles !
— Sunida n'est pas une idée folle, Constant. Elle est le fléau de mon existence. Elle est revenue pour me hanter. Elle m'a fait du mal naguère, et elle me fait du mal maintenant. Je n'aurai de paix que lorsqu'elle sera morte. »
Phaulkon frissonna malgré lui. « Je ne souhaite ni la mort de Sunida ni celle de qui que ce soit d'autre, Maria. Elle est sortie de nos vies depuis si longtemps, pourquoi la ressusciter maintenant ?
— Parce qu'elle est ici au palais et qu'elle vous attend, Constant.
— Oui vous a mis ces idées dans la tête ? Dieu sait que j'ai suffisamment d'ennemis ! N'allez-vous pas me dire qui c'est ?
— Je ne vous dirai rien jusqu'à ce que vous ayez avoué la vérité.
— Je ne peux pas avouer quelque chose qui n'existe pas, même pour vous faire plaisir, Maria. Mais sachez qu'en dehors de cela il y a peu de choses que je ne ferais pour vous... ou pour ce merveilleux cadeau des dieux, dit-il en regardant son ventre.
— Vous êtes un dissimulateur-né, Constant, doublé d'un homme très obstiné. Vous vous moquez de mes sentiments. Ma blessure n'est pas la vôtre, n'est-ce pas ? Cela importe-t-il à vos yeux que mon cœur saigne ?
— Cela importe énormément, d'autant plus que les raisons en sont dénuées de fondement. En outre, ce n'est pas une façon de célébrer la joyeuse nouvelle que j'ai un héritier. Allons, laissez-moi ouvrir une bonne bouteille de vin ! Notre enfant sera initié très tôt. Que croyez-vous que ce sera, un garçon ou une fille?
— J'espère que ce sera un garçon. Aucune fille ne serait en sécurité avec vous, Constant. » Elle s'était mise à bouder. Il sentit que le plus fort de la tempête était passé.
Phaulkon rit. « C'est vrai, mon amour la gâterait ! » Il se dirigea vers une petite armoire et en sortit sa meilleure bouteille de vin de Chiraz.
« Vous voudrez sans doute l'appeler Sunida, dit-elle d'un ton acide.
— C'est un joli nom », répliqua-t-il en ouvrant la bouteille. Il lui versa un verre. « Eh bien ! A la petite Sunida ! » Il leva son verre.
Elle le fixa sans boire. « N'éludez pas le sujet, Constant. Elle fait toujours partie de votre vie, n'est-ce pas ?
— Elle semble davantage faire partie de votre vie que de la mienne, Maria. C'est malheureusement la vérité.
— Vous êtes un très beau parleur, mais je ne vous crois pas.
— L'absurdité de la situation, c'est que si je vous regardais dans les yeux et que je vous dise "Oui, je la vois tous les
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