L'envol du faucon
certainement pas enclin à l'exagération, ajouta-t-il avec un brin de sarcasme. Maij j'espère que vous n'êtes pas venu m'annoncer que je vais être la proie de quelque terrible maladie ! »
Le petit prêtre sourit timidement et parla pour la première fois en courtes phrases saccadées.
« Votre Excellence me semble jouir d'une santé exemplaire. C'est l'état de Sa Majesté qui m'inquiète. Les langues vont bon train au séminaire. Le père Brouet n'a pas été une seule fois convoqué à Louvo, or il avait coutume de rendre régulièrement visite à Sa Majesté à Ayuthia. Nous attribuons ce changement à l'état de santé de Sa Majesté. Nous ne voudrions pas y voir une baisse de la ferveur royale à assimiler les Ecritures. »
Une expression inquiète traversa le visage de Phaulkon. Il avait réussi à convaincre le général Desfarges que les jésuites poursuivaient l'instruction religieuse de Sa Majesté à Louvo, mais bien sûr les prêtres savaient à quoi s'en tenir.
« Le fait que personne n'a été autorisé à voir Sa Majesté, continua Tachard, a seulement renforcé les spéculations. Il n'a reçu l'ambassadeur La Loubère qu'une seule fois. Au vu de la grande réputation de Sa Majesté en matière d'hospitalité, cela ne fait que donner un fondement aux rumeurs qui courent sur son état.
— Que prétendent exactement ces rumeurs ? » demanda Phaulkon.
Tachard lui lança un regard nerveux. « Que Sa
Majesté est la proie de crises d'asthme qui l'affaiblissent et qu'elle est de moins en moins capable de gouverner. Nous avons fait de notre mieux pour endiguer ces spéculations, Votre Excellence, s'empressa-t-il d'ajouter. Il serait contraire à tous nos intérêts de les laisser se répandre.
— Pourquoi donc ? » demanda Phaulkon, qui connaissait la réponse mais avait besoin de temps pour réfléchir.
« En raison des incertitudes entourant la succession, Votre Excellence. Nous n'avons aucun moyen de savoir dans quelle mesure le successeur de Sa Majesté serait bien disposé envers notre cause. »
Phaulkon regarda Tachard. « Vous avez des suggestions, mon Père ? »
Tachard jeta un coup d'oeil à son compagnon. Le petit jésuite examina ses pouces avant de parler. « J'ai étudié un certain nombre de cas d'asthme avant de quitter la France, Votre Excellence. On a fait quelques nouvelles découvertes. J'ai eu la chance d'en être instruit. J'ai apporté certains remèdes avec moi. Bien que je ne sois pas en mesure d'éliminer totalement la maladie, je pense pouvoir soulager les souffrances du patient. Je pourrais aussi prolonger son espérance de vie d'une, voire deux années. » De Bèze s'interrompit, remarquant l'intérêt soudain de Phaulkon : « Si Votre Excellence me permettait d'examiner le patient... »
Phaulkon l'observa un moment. Le prêtre médecin avait des yeux brillants et intelligents qui inspiraient confiance. Il semblait en outre modeste et sans prétention. Phaulkon devina qu'il était au moins aussi compétent que Tachard le prétendait et, dans ce cas précis, les desseins du jésuite et les siens se recoupaient. Pourtant, il était certain que ces hommes de Dieu fanatiques exigeraient impitoyablement leur dû. Une fois de plus, ils réclameraient la conversion du roi et, une fois de plus, il devrait gagner du temps. « Vous avez parlé de soulager les souffrances du patient, mon Père, dit Phaulkon. Mais Sa Majesté >e sentirait-elle assez bien pour donner des audiences régulières, et son état pendant lesdites audiences paraîtrait-il normal aux autres ? »>
De Bèze pencha la tête sur le côté comme un oiseau. « Il me faudrait d'abord examiner le patie ît, Votre Excellence. Mais, si la maladie n'est pas trop avancée, ce devrait être possible. Depuis quand les symptômes sont-ils évidents ?
— Environ quatre mois.
— Dans ce cas, Votre Excellence, il ne devrait nas y avoir trop de problèmes. »
Tachard, qui depuis un certain temps ne quit ait pas Phaulkon des yeux, ressassait dans sa tête la meilleure façon d'aborder le véritable objet de leur visite. Phaulkon avait remarqué son regard.
« Votre Excellence, commença Tachard en lis; ant les plis de sa robe, je voudrais attirer votre atten ion sur une question plutôt sérieuse. » Son expres ;ion était grave et augurait mal des révélations qui allaient suivre.
« Je suis tout ouïe, mon ami, dit Phaulkon.
— Ceci est très confidentiel, mon Seigneur.
— Bien entendu, mon
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