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L'envol du faucon

L'envol du faucon

Titel: L'envol du faucon Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Axel Aylwen
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morts pour rien ? Pas un seul des pères ou des oncles des trois membres du conseil qui s'apprêtaient à lui rendre visite n'avait échappé aux exécutions qui avaient suivi la rébellion des Macas-sars. Ils avaient tous été impliqués, et c'était ce diable de Phaulkon — dont on disait qu'il avait abattu le chef des Macassars, le prince Dai, de ses propres mains — qui avait scellé leur destin. Pis encore, il avait scellé la ruine de tous les Maures du Sud, qui depuis des siècles s'occupaient du commerce dans le golfe, en les remplaçant par ses amis farangs, tous des escrocs et des infidèles. Selim sentit la douleur et la colère monter en pensant à son propre père, incapable de retenir ses cris tandis qu'on le donnait lentement en pâture aux tigres. Il avait fait vœu de venger un jour sa mort.
    Selim appela son serviteur et ordonna qu'on lui apportât son houka. L'instant d'après, la pipe à eau était devant lui. Il en inhala une profonde bouffée. Il sentit la fumée pénétrer dans ses poumons tandis que le gargouillement familier calmait momentanément ses nerfs.
    Son serviteur fit de nouveau son entrée avec une expression d'importance étudiée pour annoncer l'arrivée de ses visiteurs. Selim se leva et s'inclina tandis que les barbus entraient à la queue leu leu, lançant à la ronde des regards angoissés comme si les espions du Shahbandar pouvaient se cacher derrière les tapisseries qui recouvraient les murs. Ils étaient tous revêtus de la longue robe flottante des Maures. Venait d'abord Fawzi Ali, dont l'oncle avait autrefois été Shahbandar, puis Ibrahim Tariq à l'immense nez crochu et enfin Hassan, le frère aîné de Selim. Il y avait entre leurs deux visages une ressemblance marquée, mais elle s'arrêtait là, car Hassan était grassouillet et lent de mouvements et Selim maigre et agité.
    « Que la paix soit avec toi, Selim ! dit Hassan, la moustache noire hérissée.
    — Et avec toi aussi », répondit Selim en se tournant pour accueillir les autres.
    Ils étaient assis en tailleur autour d'une table basse circulaire, incrustée de mosaïque. On fit circuler des houkas. Selim jeta un regard à ses hôtes et essaya de cacher son mépris. Ils paraissaient si abjects et si terrifiés, ces nouveaux mandarins, si éloignés de leurs intrépides prédécesseurs ! Dieu merci, parmi les Maures du cru se trouvaient quelques vrais combattants prêts à servir ses desseins...
    Tous comptaient sur Selim pour parler. Bien qu'il ne fût pas membre du conseil, ils le tenaient pour leur chef légitime par sa force de caractère et ils l'acceptaient comme tel.
    « Frères, commença-t-il, nous savons tous par notre informateur de la prison à Tenasserim que les hommes qui ont été tués le mois dernier venaient d'un bateau saisi par le Shahbandar. Ils ont été amenés ici à la nuit noire et empoisonnés. Nous avons appris le nom du bateau de la bouche d'un matelot expirant qui parlait le malais. Il s'agissait du Sancta Cruz, propriété du marchand arménien Demarcora. » Selim regarda autour de lui. « Les frères Demarcora sont sous la protection de la Compagnie anglaise des Indes orientales. Jusqu'à présent, le Shahbandar avait pris soin de ne pas s'attaquer aux bateaux amis de la Compagnie, mais cette fois ce cochon d'infidèle a franchi les limites. Il doit être aux abois. »
    Ibrahim Tariq leva légèrement son nez crochu, signe qu'il souhaitait parler, mais Selim l'ignora.
    « Je viens d'apprendre que le Shahbandar a donné ordre que l'on fasse travailler tous les hommes robustes aux fortifications de Mergui. On va planter des pieux dans l'embouchure du fleuve et ériger des remparts de bois. Il est clair que les pieux ne sont destinés qu'à empêcher l'entrée des bateaux. Le danger, quel qu'il soit, vient donc de la mer et non de la terre. » Selim se pencha en avant. « Le Shahbandar doit avoir entendu dire que les Anglais envisagent des représailles pour la capture du Sancta Cruz. Peut-être envoient-ils des vaisseaux armés depuis Madras pour le punir.
    — Tu as raison, Selim, lança Tariq. On a signalé qu'une frégate armée appartenant à la Compagnie se cachait dans les îles au large. Je...
    — Tu l'as vue ? coupa Selim, incapable de maîtriser son excitation.
    — Pas personnellement. Mais Hussein l'a vue. Vous savez, celui qui est chargé de surveiller les mouvements du Shahbandar. Il a vu le secrétaire du Shahbandar ramer vers le large et l'a fait suivre.

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