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L'envol du faucon

L'envol du faucon

Titel: L'envol du faucon Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Axel Aylwen
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proue d'un petit bateau. Sunida portait un panung mauve qui lui descendait jusqu'aux genoux et une écharpe de coton assortie qui lui drapait nonchalamment les seins et les épaules. Ses cheveux huilés et parfumés étaient ramassés en chignon selon la mode du jour.
    Elle aimait d'autant plus ces sorties hors du palais qu'elles étaient occasionnelles et que leur rareté même la poussait à absorber le moindre détail de ce qui l'entourait comme si elle allait ne jamais le revoir.
    Oui, le Seigneur Bouddha avait été bon envers elle, songea-t-elle en traversant un pont en dos d'âne qui enjambait l'un des multiples canaux de la cité. Elle pénétra dans une ruelle bordée d'arbres où des artisans exerçaient leur métier : orfèvres, tisserands, sculpteurs sur bois, doreurs, bijoutiers, laqueurs et bien d'autres encore. Elle soupira de bonheur. Elle appartenait au mandarin le plus en vue du pays et lui était dévouée. Il lui rendait visite quotidiennement, et ces expéditions au-dehors, occasionnelles mais palpitantes, remédiaient aux restrictions d'une vie confinée. Elle devait s'occuper de son enfant et veiller au bien-être de son maître. Elle était pour lui un précieux poste d'observation au sein de ce palais où potins et intrigues semblaient d'autant plus pros-pérer que ses occupants étaient cloîtrés entre ses murs épais. Le palais était un monde en soi, un royaume à part où pas un jour ne passait sans que naquît une nouvelle rumeur qui grossissait de bouche en bouche pour aboutir toujours au sensationnel. C'était son travail de démêler la rumeur de la réalité, surtout quand les histoires tournaient, comme c'était si souvent le cas, autour de son maître.
    La semaine précédente, le bruit avait couru que Kanika, une des plus récentes concubines du Seigneur de la Vie, avait séduit Tong, âgé de douze ans, troisième gentilhomme de la chambre royale, et initié le page tremblant à l'utilisation de sa lance d'amour. Si c'était vrai et qu'ils fussent découverts, ils seraient tous deux rôtis vivants sur une broche qui tournerait lentement, et ils observeraient leur agonie mutuelle côte à côte comme ils avaient connu l'extase. Car au Siam, et ce n'était que justice, la punition était toujours en rapport avec le crime.
    Les rumeurs concernant l'arrivée des farangs français avaient déjà commencé à circuler. Certains disaient qu'il s'agissait d'une petite garde du corps envoyée par le roi de France en présent au Seigneur de la Vie, tandis que d'autres — ce qui était fâcheux — maintenaient que c'était une vaste armée expédiée pour contrôler le pays avec l'accord tacite du Pra Klang. Comme toujours, il était impossible de remonter à la source des rumeurs, mais beaucoup prétendaient que c'était l'avis même du général Petraja, commandant en chef du régiment royal des éléphants et président du conseil privé de Sa Majesté. En dépit de ses manières impeccables et de son air de sincérité, le général, qui s'était certainement attendu à être nommé Pra Klang, n'appréciait pas du tout que le Seigneur de la Vie lui eût préféré son maître. Sunida en était certaine. Elle devinait que Petraja n'attendait sans doute que le moment opportun pour le défier au grand jour.
    Sunida se hâtait d'atteindre la place du marché pour s'entretenir avec Sri, dont la sagesse paysanne lui inspirait désormais une confiance totale et qui, elle le savait, vouait à Phaulkon une admiration sans bornes. Sri avait été autrefois son intermédiaire avec le palais pendant la période difficile où Sunida avait été recrutée pour espionner Phaulkon. Combien de fois avaient-elles prié pour qu'il ne se compromette pas et ne les force pas à signaler au palais des pensées ou des actes coupables ! Tout au long de cette épreuve et probablement à cause d'elle, les deux femmes avaient lié une solide amitié, et Sunida adorait rendre visite à l'étal de Sri sur le marché. L'humeur joyeuse de Sri et son rire tapageur étaient contagieux, et il y avait toujours tant de nouvelles à apprendre !
    Sunida passa sous l'arceau de fleurs qui indiquait l'entrée de la place du marché. Immédiatement, la foule sembla doubler de densité. Des arômes variés emplissaient l'air : parfums de fleurs, puanteur du durian, poisson séché, épices exotiques ; le marché tout entier retentissait des marchandages et des cris des vendeurs gesticulants.
    Sunida se fraya un chemin le long

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