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L'épervier de feu

L'épervier de feu

Titel: L'épervier de feu Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Pierre Naudin
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qui, le jour, devait éclairer la machinerie de la herse et du pont-levis. Ses yeux intensément ouverts brillaient comme des perles noires. Ses cheveux blonds ruisselaient de part et d’autre de son visage d’un blanc opaque dont il vit frémir la bouche.
    — Non, messire !… N’avancez pas !
    Il obéit, scrutant autant qu’il le pouvait cette apparition dont il ne savait que penser, sinon qu’elle ajoutait un attrait réconfortant aux noirceurs qui, depuis son arrivée, mêlaient dans son esprit une angoisse et une perplexité dont l’aurore, peut-être, atténuerait la vigueur.
    — D’où venez-vous ? Pourquoi demeurez-vous céans ? Ce châtelet est maudit !
    — Vous n’eussiez pas dû y entrer.
    — La mort le hante ! Même s’il est vôtre, il vous le faut quitter !
    Ils chuchotaient ; lui de crainte d’être entendu d’Étienne et de Rosamonde ; elle, pour respecter le sommeil des pierres.
    — Vous avez bien dû voir les… dormeurs du donjon !
    — La mort m’épargnera. J’en suis certaine.
    — Elle n’a point épargné vos parents et votre sœur… si toutefois les corps que j’ai vus étaient les leurs… Elle n’a sûrement point épargné les hommes, femmes et enfants à votre service !
    — Elle m’épargnera, vous dis-je ! Ils me protègent.
    — Qui ?
    — Les Neuf Preux.
    Ogier envia sans oser le lui dire, la confiance de l’inconnue.
    — Ils veillent sur ma vie, messire.
    — Ce ne sont que des hommes de pierre !
    — Ils valent mieux que les vivants.
    Il faillit objecter qu’ils avaient été incapables de protéger toute la mesnie [78] du château et particulièrement sa famille.
    — Ils m’ont vue dès ma naissance. Je les aime comme des parents.
    — Libre à vous d’affirmer qu’ils vous protégeront.
    Était-elle folle, vraiment folle, pour vivre en compagnie de transis, de rats audacieux et avides, et de preux dont la vue pouvait épouvanter.
    — Puis-je monter ?
    — Vous ne sauriez m’atteindre. Il y a un pas-de-souris [79] par lequel je m’enfuirai.
    Elle allait disparaître. Il tenta de la retenir par une astuce dont la mièvreté ne lui échappait pas :
    — Vous êtes belle.
    Il la voyait à peine, cependant. Il était certain qu’il se fut délecté à la contempler avec une minutie d’orfèvre… ou d’amant. Méchante lune, avaricieuses étoiles qui ne lui accordaient que de chiches clartés !
    — Laissez-moi vous approcher. J’en meurs d’envie !
    — Mieux vaut cela que de trépasser par la peste !
    Ogier ressentait un prodigieux émoi à découvrir, au cours d’une nuit d’incertitude et de sang, cette jouvencelle vive, obstinée, – désarmante. Elle semblait régner sur ces pierres funèbres comme une divinité au fond d’un sanctuaire. Elle avait accueilli son compliment avec une indifférence un peu compassée qui décelait sans doute un mépris des louanges.
    — La beauté ne doit pas demeurer invisible. Permettez-moi de vous…
    Un mouvement de recul, en même temps qu’il couvrait d’ombre l’encolure d’une houppelande nacrée de lune, donna au visage de la jeune fille une matité ambrée due peut-être à une brusque roseur provoquée par un trouble qu’elle ne maîtrisait plus.
    — N’insistez point !
    — Je vous supplie de partir avec nous.
    — J’ai fait serment de demeurer.
    — Vous allez manquer d’aide et de nourriture.
    — J’ai ce qu’il faut.
    L’émail d’un regard mouillé scintilla.
    — Votre compassion me touche, messire. Cette femme avec vous… elle vous a porté grand tort. Je vous ai vu croiser le fer.
    — De quel endroit ?
    — Je vois tout, et je sais qu’ils sont dix au-dehors à épier le seuil de ma demeure. Vous, vous n’êtes que deux à cause de cette…
    Une gracieuse main remua :
    — Je l’ai vue baiser votre ami sur la bouche avant qu’il ne trépasse. Or, il avait la peste : elle l’a attrapée… Défiez-vous d’elle.
    — Je m’en défierai… Dites-moi votre nom. Je le porterai dans mon cœur.
    — Vous êtes marié… Ils en ont parlé. Il la dissuadait de s’éprendre de vous… Adieu.
    — Non ! Non !… Ne partez pas encore !
    Mais il n’y eut plus rien au bord de la fenêtre. Une porte se referma quelque part.
    Ogier remonta sur le chemin de ronde et fléchit les genoux, saisi de crainte et d’intérêt : Franque-Vie et ses hommes étaient là. Sur l’injonction de leur chef, deux d’entre eux se

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