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Les 186 marches

Titel: Les 186 marches Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Christian Bernadac
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fréquents, ils n’étaient plus que huit cents ou neuf cents le jour de l’an 1945. Des bruits circulaient, précisant que dans ce block de la mort étaient détenus des officiers soviétiques et des politiques. On disait aussi que le régime de détention était tel que les horreurs habituelles de Mauthausen semblaient dérisoires ! Il était clair que ce qui se passait dans cet « isolierblock » était au-delà de toute imagination. Les prisonniers détenus dans des baraquements voisins entendaient tous les jours les cris inhumains des hommes torturés derrière ce mur ; des cris qui glaçaient le sang des prisonniers pourtant endurcis. Quelquefois, on voyait arriver à Mauthausen des groupes de S. S. en visite. Les « führers » locaux les guidaient dans le camp et leur montraient le four crématoire, les chambres de torture, tout l’équipement satanique de Mauthausen. Ils terminaient la visite en montant sur un mirador du block 20 d’où ils observaient ce qui se passait à l’intérieur. Et pendant cette inspection, les cris devenaient encore plus atroces. Les détenus du camp général évitaient de regarder ce block maudit, d’écouter les cris déchirants qui retentissaient. Ils savaient que la curiosité pouvait leur coûter cher : tout le monde se souvenait de ce qui était arrivé à « Petit renard ».
    ★ ★
    « Petit renard », Vania Serjuk, s’adosse au soubassement et vérifie une dernière fois que le message qui enveloppe le morceau de mâchefer ne peut se détacher. Avec un peu de chance, l’homme du mirador, les kapos et les mouchards du « 20 » n’y verront que du feu. Un pas en avant, demi-tour du buste, élévation du bras droit, et coup sec du poignet… hop ! La boulette saute le mur. « Petit renard » a déjà disparu dans l’allée des blocks 14 et 15. Il viendra chercher « la réponse » demain à l’heure du rendez-vous fixé par son message.
    Le lendemain Vania n’en croit pas ses yeux… Ils ont compris. Ils acceptent. Ils n’ont pas été surpris. « Elle » est là, bien là, à ses pieds, roulée autour d’une pierre… le premier « contact » avec les bannis… la première réponse à la première question… la première vraie grande joie de « Petit renard » à Mauthausen.
    Ainsi, cinq fois, l’échange se réalisera avec le block 20, cinq « aller et retour » au-dessus des barbelés ; mais personne dans Mauthausen ne profitera de ces communications des exilés, des informations recueillies, des questions posées : Vania curieux mais méfiant ne mettra les « grands » dans la confidence que lorsqu’il disposera de suffisamment d’éléments. Peut-être ce soir, après le nouvel échange… ce soir… Ce soir, il est trop tard. « Petit renard » a été dénoncé. Un sous-officier et deux kapos surgissent du block 15 et s’emparent du jeune déporté. Quelques minutes plus tard, les S. S. Unterscharführer Niederwieder et Riegeler, qui ont en charge le block 20, enferment dans le bunker les deux « correspondants » de Vania Serjuk. Tous les messages retrouvés sont déposés sur le bureau du commandant Ziereis qui, « vu l’importance de l’affaire », préfère interroger lui-même le jeune Ukrainien.
    – A  la question posée à ce dernier sur les raisons de son forfait, « Petit renard » répondit qu’il voulait savoir ce qui se passait derrière ce mur. Le commandant sourit : « Ah ! tu veux savoir ce qui se passe là-bas ? dit-il, eh bien ! tu le sauras, tu iras au block 20. » Et « Petit renard » disparut derrière la lourde porte de l’isolierblock.
    Le soir même, les corps des deux correspondants de Vania brûlaient dans le crématoire et la fiche de Vania Serjuk, aux archives du bureau politique, s’enrichissait de deux mots inscrits en rouge à la suite de son numéro matricule : « Aktion Kugel ».
    ★★
    Cette « Aktion Kugel », dont le block 20 était le logique aboutissement, alimentera pendant de longues heures les débats du Tribunal International de Nuremberg. Ainsi, le 2 janvier 1946, le colonel Storey (ministère public américain) déclarait :
    – Les prisonniers de guerre évadés qui étaient repris étaient envoyés par la Gestapo et le S. D. dans des camps de concentration et exécutés. Le Tribunal se rappellera le document P. S. 1650 (2) qui contenait un ordre du chef de la S. I. P. O. et du S. D. aux bureaux régionaux de la Gestapo suivant lequel

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