Les 186 marches
résidus végétaux ou d’ersatz chimiques. Certaines de ces bouillies provoquaient la dysenterie ou la constipation. L’une d’elles, où nous pûmes déceler des grains d’avoine à ergots très aigus, entraîna en quelques heures la mort de plusieurs cobayes.
– Chaque semaine, nous étions pesés et faisions l’objet d’un examen sommaire, à l’intérieur du block, dans l’ambiance des cris et des coups. Chaque mois, nous étions conduits, sous bonne garde, à l’extérieur du block pour un examen plus complet et des prélèvements de sang, ce qui aggravait encore notre faiblesse physique. La plupart de ces visites nous obligeaient à rester nus, dehors, pendant plusieurs heures.
– De façon générale, le régime du block 16 a entraîné pour une même période, une mortalité beaucoup plus grande que celle constatée dans les autres blocks. Les malades ou blessés du block n’étaient pas admis à se faire soigner au Revier. Cette quantité de soupe peut paraitre invraisemblable à ceux qui n’ont pas connu les camps de concentration. Mais il faut partir de ce fait, que la soupe n’avait que très peu de valeur nutritive. Elle alourdissait l’estomac et ne calmait pas la faim. On pouvait en manger jusqu’à l’épuisement sans être rassasié. J’ai vu un Espagnol manger un samedi après-midi onze litres de soupe ; le lendemain, il en absorba dix-sept. La seule conséquence physiologique est qu’il se levait fréquemment pour uriner. Que ceux qui sont surpris d’une pareille absorption fassent le volume de ce qu’ils mangent à un repas normal. Le vin fait souvent un litre. Et je pense qu’il n’est pas nécessaire de comparer la valeur nutritive des aliments]
– L’ordre arriva de Berlin de soumettre un certain nombre de détenus, pris dans chaque nationalité, à un régime alimentaire spécial, et d’étudier les résultats de cette alimentation sur les différents organismes. Cette nourriture était exclusivement composée de soupe : un litre le matin au réveil ; un autre à midi ; un troisième le soir Cette soupe était à base de pommes de terre et de son et graissée par des graines oléagineuses. Tous els deux jours était servie une soupe de « cacha » qui n’était autre chose qu’une soupe de farine. Le tout ressemblait à une nourriture de cochon et se dénommait Ost Kost (nourriture de l’Est). Peut-être voulait-on nous faire croire que les Soviétiques ne mangeaient pas autre chose. Tous les hommes soumis à l’expérience furent parqués dans un block spécial, le block 16, entouré de fils barbelés. Ils ne devaient avoir aucun contact avec les internés des autres blocks.
– Les autres blocks étaient appelés, sans ironie, « blocks libres ». Cette appellation les différenciait des blocks de quarantaine, où les nouveaux arrivants devaient faire un stage avant d’être répartis dans les kommandos ou être expédiés dans un autre camp dépendant de Mauthausen. La vie en block libre était moins dure qu’en block de quarantaine ; en premier lieu parce que le détenu avait le droit de se promener dans le camp en dehors des heures de travail, et jusqu’à l’heure du coucher fixé à 20 h 30 ; en deuxième lieu, parce que le couchage y était plus confortable. Dans les blocks libres étaient aménagés des lits à deux ou trois étages, d’une largeur de 0,80 m environ, où les détenus couchaient par deux. Il était nécessaire d’y dormir sur le côté, mais cette installation était tout de même plus agréable que celle des blocks de quarantaine où les détenus dormaient « en sardines » sur le plancher.
– Trente hommes furent pris dans chaque nationalité : allemande, espagnole, tchèque, polonaise, russe, yougoslave et française, pour constituer l’effectif du block 16. Pour chaque mois était prévue une visite médicale complète où rien ne manquait, pas même les analyses d’urine et les prises de sang, afin de comparer à dates régulières les effets de l’alimentation spéciale. Tous les hommes étaient choisis parmi les travailleurs de la carrière ; cela afin de se rendre compte si la ration alimentaire était suffisante pour permettre de vivre à des hommes accomplissant des travaux de force. Lorsque l’on connaît le travail effectué par les Allemands et les Polonais, on peut se rendre compte de la justesse des résultats que pouvait donner une pareille expérience.
– Comme pour la soupe
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