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Les 186 marches

Titel: Les 186 marches Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Christian Bernadac
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solidarité pour la semaine. Le docteur n’était pas le seul à relever les poids. Nous surveillions ainsi le comportement de nos camarades français pendant la semaine écoulée. Si l’un d’eux avait flanché, s’il avait eu le « coup de pompe », s’il avait maigri trop vite, nous bloquions sur lui notre effort de solidarité pour la semaine à venir. Voici en quoi consistait cette solidarité.
    – Un camarade ayant été désigné pour être secouru, chacun de nous, après avoir touché sa soupe, lui en versait dans sa gamelle une ou deux cuillerées suivant qu’elle était épaisse ou liquide ? Une trentaine de cuillerées faisaient un litre. Ce camarade voyait ainsi sa ration doublée. Au lieu de trois litres par jour, il en mangeait six. C’était un sérieux apport qui permit à beaucoup de camarades de franchir des moments difficiles.
    – Cette solidarité ne plaisait pas aux droit commun allemands qui vivaient avec nous. Ils en vinrent aux menaces. De telles brutes ne concevaient pas que  l’on puisse s’entraider. Heureusement pour nous, Max Fistera, religieux protestant, intervint en notre faveur. Il fit taire ses compatriotes, et de lui-même, il tint à participer à notre solidarité, versant lui aussi ses deux cuillerées de soupe.
    – Nous avions beau faire notre possible, nous disposions de trop peu de moyens, nous étions vraiment trop misérables pour que notre effort soit salutaire à nos camarades les plus faibles et les moins résistants. Quand l’hiver arriva, le féroce hiver qui se manifeste dès la fin septembre, nos rangs s’étaient bien éclaircis.
    – L’hiver 1943-1944 fut rude. Il nous fallut le traverser sans un pull-over, sans une paire de chaussettes. Les Allemands, les Espagnols et les Polonais trouvaient pourtant de quoi se vêtir. J’ai vu des Allemands endosser jusqu’à trois pull-over. Tant bien que mal, nous réussissions à emmailloter nos pieds dans de vieux chiffons ; mais cela était impossible pour nos mains car nous devions perpétuellement manier des pierres couvertes de glace. Le froid rendait nos doigts insensibles (J’ai connu des kapos qui obligeaient leurs hommes à manipuler des rails par des froids intenses ou à pousser de la main des wagonnets. Le froid du métal faisait adhérer la peau qui s’arrachait. Les hommes étaient obligés de travailler avec la chair de leurs mains à vif). Et arracher les pierres que le gel collait au sol nous obligeait à faire d’énormes efforts.
    – Nous quittâmes le block 16, le 12 janvier 1944. Le régime alimentaire était déjà terminé depuis plusieurs semaines. Mai« il fallait attendre qu’il y ait de la place dans les « blocks libres » pour y loger. Cette date fut aussi marquée par l’atroce assassinat d’un jeune Polonais.
    – Ce garçon était atteint de dysenterie, maladie très courante dans le camp. Un matin, il arriva à l’appel avec deux minutes de retard. Ce qui le fit d’abord rouer de coups. Mais un crime aussi grave méritait, aux yeux des S. S., une sanction capitale. Par sa faute, l’appel avait duré deux minutes de plus, c’est-à-dire deux minutes de travail en moins par homme. Pour six mille hommes cela faisait deux cents heures. Ce retard fut assimilé à un acte de sabotage, et le malheureux jeune homme fut confié au kommandoführer de la carrière, afin que celui-ci lui inculque les principes de la discipline que l’on doit observer dans un camp.
    – Nous travaillions alors au kommando Berteld avec un kapo aux innombrables tatouages. La petite rivière qui traversait la carrière coulait à une trentaine de mètres derrière nous ; mais elle était, depuis plus d’un mois, couverte d’une épaisse couche de glace. C’est vers elle que se dirigea le kommandoführer suivi du Polonais auquel il venait de faire donner une pioche. Arrivés sur le bord, il lui commanda de casser la glace, ce que le jeune homme réussit en trois ou quatre coups de pic et sur une assez large surface. Il lui ordonna alors d’entrer dans l’eau, et ponctua son ordre d’un coup de la matraque qu’il tenait à la main. Le Polonais obéit, mais la rivière n’était pas assez profonde ; tout le haut de son corps émergeait. Le S. S. le frappa encore pour l’obliger à s’accroupir dans l’eau, jusqu’à ce qu’il ait entièrement disparu sous la glace. De temps en temps le malheureux sortait la tête pour respirer. Le S. S. le laissait ainsi quelques

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