Les 4 vies de Steve Jobs

fruits, graines, noisettes… Il se plie également à de longs jeûnes.
    Pourtant, la situation de marginal bénéficiant d’un statut indéterminé vis-à-vis de l’université vient progressivement à lui peser. Jobsne peut demeurer indéfiniment oisif, et l’envie de réaliser quelque chose émerge peu à peu, faisant ressurgir sa passion première : l’électronique. Après dix-huit mois d’une vie de paria à Reed College, Jobs repart pour la Californie. L’affaire est décidée : il va faire carrière dans le domaine de la technologie.
     
    Au début de l’année 1974, Jobsdécouvre une bien curieuse annonce passée dans un magazine local par Atari. Fondée deux ans plus tôt, cette firme de jeux vidéo a le vent en poupe. Sa cabine de jeu Pong , une simulation de tennis, est en train de devenir un succès au niveau national. L’annonce passée par Atari semble avoir tout pour plaire : « Amusez-vous en gagnant de l’argent ! »
    Steve Jobsest la quarantième personne employée par Atari. Au sein de cette société californienne, le garçon ne dépare pas la couleur locale avec ses vêtements et ses longs cheveux. La nouvelle recrue apparaît pourtant comme un individu tourmenté, obsédé par une idée fixe : se rendre en Inde. Son travail consiste à suggérer des améliorations aux jeux produits par Atari.
    « Son esprit fonctionnait à toute vitesse », a confié AlAlcorn, ingénieur en chef chez Atari. Pourtant, les gens du laboratoire ne l’appréciaient pas. Ils le trouvaient arrogant et bravache 17 . » À vrai dire, Jobsse montre si peu sociable qu’un compromis est progressivement trouvé : il viendra travailler la nuit.
    Le rêve d’un voyage en Inde est demeuré vif. Au bout de quelques mois, ayant rassemblé le pécule nécessaire pour le grand voyage, Jobsvient annoncer à ses collègues son départ en terre orientale. Il se trouve qu’Atari compte l’envoyer pour une mission en Suisse. Jobs compte s’offrir un billet d’avion de la Suisse vers l’Inde, ce qui revient beaucoup moins cher.
    Avant de s’envoler pour l’Europe, Jobsreprend contact avec Dan Kottke, qui poursuit ses études au Reed College. Ils en ont tous deux rêvé, ils doivent vivre cette aventure en duo. Comme prévu, Kottke répond présent à l’appel : il le rejoindra à New Delhi une dizaine de jours après l’arrivée de Jobs. Tous deux envisagent, parmi d’autres quêtes, de gagner l’ashram du fameux gourou Neem Karoli Baba.
    « C’était une sorte de pèlerinage ascétique, a raconté Kottke, si ce n’est que nous ne savions pas trop où nous allions au juste… »
     
    Steve Jobsdébarque dans la ville bariolée de New Delhi vers le début mai. La capitale de l’Inde paraît évoluer dans un temps parallèle, avec ses ruelles étroites et surpeuplées où il peut arriver de croiser un éléphant grimé qui fait office de calèche, ses échoppes qui regorgent de graines et de fruits exotiques, ses images de sages bienveillants peintes à même les murs… Pour un dépaysement, c’en est un. Jobs a convenu de retrouver Dan Kottkedans un hôtel particulier de la ville. Une fois sur place, il prend rapidement congé, estimant que ce lieu recommandé par Friedlandpratique des tarifs prohibitifs. Après avoir repéré une auberge moins coûteuse, il laisse un mot à l’hôtel à l’attention de Dan Kottke afin que ce dernier puisse retrouver sa trace.
    L’un des premiers objectifs des deux garçons à leur arrivée en Inde en ce printemps 1974 est d’assister à la Khumba Mela ou « fête de la cruche », une manifestation cérémonielle qui se déroule environ tous les trois ans. La Khumba Mela accueille des millions d’Hindous – il s’agit du plus grand rassemblement religieux sur la Terre.
    Au bout de quelques jours dans la capitale indienne, Steve Jobspiaffe d’impatience : il s’ennuie à New Delhi. Tandis qu’il arpente les rues de cette ville pour touristes, la Khumba Mela est en train de se dérouler. Après avoir fait connaissance d’un autre Occidental qui se rend à cette fête, à Rishikesh dans le nord de l’Inde, il l’accompagne sans attendre.
    À Rishikesh, Jobsse retrouve immergé dans une atmosphère qui dépasse tout ce qu’il a pu entrevoir. Le défilé des ascètes couverts de cendre, dont la plupart avancent nus comme des vers, paraît interminable. S’ils sont descendus un à un des hauteurs de l’Himalaya, c’est aussi pour participer au