Les 4 vies de Steve Jobs

rite de l’immersion dans le fleuve Gange, censé permettre aux baigneurs de se laver de leurs péchés et interrompre le cycle de la réincarnation. Ils sont eux-mêmes suivis par une foule interminable de citadins ou pèlerins avançant avec la même lenteur solennelle que les chameaux peinturlurés. Ils sont venus de toute l’Inde pour participer au rite de l’immersion.
    À proximité du fleuve Gange, Jobsest interpellé par un homme du nom de Nahar, un yogi français qui se distingue par un large sourire accompagné d’un rire tonitruant. Sans lui dire un mot, Nahar fait venir ce visiteur occidental à lui et le mène près d’un arbre. Sans qu’il ait eu le temps de comprendre ce qui se passe au juste, le gourou entreprend de lui couper les cheveux à ras !
    Si les sens de Jobsdemeurent subjugués par la vision de ces multitudes d’Indiens le plus souvent vêtus de couleurs orangées, les mille et une senteurs d’épices et les mélopées de dévotion qui s’élèvent dans l’azur, le spectacle est bientôt gâté par des préoccupations du monde bien physique : inaccoutumé à la nourriture locale, Jobs récolte une dysenterie. Il décide de rentrer au plus vite à New Delhi.
     
    Lorsque Dan Kottkedébarque en Inde, il se rend à l’hôtel dans lequel Jobsétait censé séjourner. Il apprend alors qu’il serait parti sans laisser d’adresse – le message qu’a laissé Jobs ne lui est aucunement remis. Faute de mieux, Kottke arpente les rues de New Delhi en solitaire durant trois jours. Il finit par tomber sur son ami du College Reed et manque de ne pas le reconnaître : il a la surprise de découvrir Jobs avec une coupe de cheveux digne d’un moine ! Le jeune homme rasé apprend à Kottke qu’il revient de la Khumba Mela et qu’il n’est plus question pour lui d’y retourner.
    « J’aurais adoré y aller, mais je n’ai pas particulièrement insisté », raconte Kottke.
     
    Les deux garçons se rendent tout d’abord dans la montagne de Kumoan à l’est de l’Inde. Ils entendent gagner la petite ville de Kainchi où se trouve l’ashram de Neem Karoli Baba, ce fameux gourou qui a eu tant d’influence sur Ram Dass.
    Une déception est au rendez-vous : lorsqu’ils débarquent dans l’ashram, ils découvrent qu’il ne s’y passe plus rien ! Six mois plus tôt, le gourou est passé de vie à trépas. Là où Friedlandavait dépeint des scènes fabuleuses, avec des centaines de hippies américains et européens, le lieu est quasi désert. Pour marquer une pause dans leur périple, ils louent une chambre très bon marché dans une maison située à proximité de l’ashram. Ce lieu va leur servir de port d’attache durant plusieurs semaines où ils vont parcourir les vallées avec leur sac à dos.
    D’autres déconvenues les attendent. Les deux garçons font de l’auto-stop sur la Rohtang Pass, la route de montagne la plus élevée du monde afin de gagner le Tibet. Arrivés près des frontières, ils se trouvent contraints de rebrousser chemin : ils ne disposent pas de vêtements assez chauds pour affronter le climat glacial de l’Himalaya !
    Durant ce séjour, Kottkedécouvre que Jobsentretient un jardin secret et qu’une partie de son existence lui est réservée en exclusivité. Un jour, alors qu’ils sont de retour dans leur maison de Kainchi, Jobs lui annonce qu’il va entreprendre un voyage en solitaire. Il s’abstient fermement de dire à son compagnon de route où il compte aller au juste, et se contente de dire : « Il faut que je m’en aille durant quelques jours. »
    Il se trouve que Jobsa lu un livre de Lama Govinda, l’un des fondateurs du mysticisme tibétain et qu’il s’est mis en tête de rencontrer ce vieux gourou. Durant plusieurs jours, Kottkepasse son temps à lire les nombreux livres sur le bouddhisme et la spiritualité qu’il a rassemblés. Lorsqu’il revient à Kainchi, Jobs n’en touche pas un mot à Kottke – ce dernier ne découvrira la chose que par hasard, bien plus tard.
     
    L’un des lieux que Robert Friedlandleur a recommandés est Manali, une ville qui abrite une colonie de Tibétains venus se réfugier en Inde à la suite de l’intrusion chinoise qui a forcé le Dalaï-lama à l’exil. Pour parvenir à Manali, ils doivent endurer un interminable voyage en bus. Sur place, ils découvrent avec stupeur qu’il s’agit du lieu où se rendent couramment les Occidentaux pour trouver du hachisch ! Si Kottkeest émerveillé