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Les amants de Brignais

Les amants de Brignais

Titel: Les amants de Brignais Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Pierre Naudin
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s’opposer à ta fuite. La mission dont le roi te chargea, sera couronnée de succès et Jean II te fera connétable de France », il n’eût guère été enclin à obéir. Jamais il n’abandonnerait Oriabel qui, elle, s’était abandonnée à lui corps et âme. La voir ainsi, sous son vêtement de pauvresse où il la caressait avec une religion douce, attentive, était une félicité. L’or du soleil couchant qui la touchait aussi, des cheveux aux épaules, avivant l’éclat de ses pupilles, l’illuminait d’une gloire presque solennelle.
    – Je ne me prive pas, moi, de te contempler.
    – Tristan, tu me fais peur… Je crois voir au-delà de tes yeux. Il y a comme une ombre triste… et froide. Tu ne m’as pas tout dit. La fureur que je t’ai connue face à ces malandrins, et surtout devant Bagerant, n’était pas seulement due à de la détestation. Tu nourris en toi un remords : tu as dû renoncer à faire quelque chose et cela te corrompt les sangs.
    Il préféra s’abstenir de répondre. Il avait trouvé les routiers trop fiers d’être ce qu’ils étaient pour supporter le joug d’un Charles de Navarre. Le roi demeurerait dans l’ignorance de cette conclusion. Si, avant Jean le Bon, des guerriers devaient être informés de la force terrifiante des hôtes de Brignais, c’étaient ses maréchaux et son armée tout entière. Quel que fût son désir d’accomplir son devoir, il devait se résigner dans une attente dont les conséquences funestes le tourmentaient. C’était cela, l’incessant repentir dont Oriabel se souciait.
    Ils n’aperçurent aucun chef lors de leurs trois semaines de vie recluse – ou presque. Ils eussent pu croire qu’on les avait oubliés si Héliot, midi et soir, n’était venu, avec ses deux compères, leur porter l’eau, le vin, la nourriture. Parfois, le bruissement d’une chevauchée lointaine ayant pris son erre aux abords du Bois-Goyet ou du Mont-Rond, troublait la quiétude d’avant l’aube. Tristan fermait les yeux, n’osant rien imaginer. Son immobilité n’avait aucun pouvoir de conjuration magique : des chevaux trottaient dans les ténèbres… Où cheminait celui que Tiercelet montait ?
    Le soir même ou le lendemain de ces départs, la cavalerie réintégrait le château. Certains de ces retours s’assortissaient de cris de femmes, tellement affaiblis par l’épaisseur des pierres qu’Oriabel feignait de ne pas les entendre. Et la nuit revenue, elle aussi les délogeait, enlacés, pour les pousser au sommet du donjon. Tout autour, des feux s’allumaient par centaines, constellant le Mont-Rond, le Bois-Goyet, le Janicu et le Bonnet. Il y en avait même, à présent, dans la plaine. Pareilles à des puces d’or, des torches sautillantes parcouraient cet archipel lumineux, et des bouffées de vent apportaient, avec des rires amincis par la distance, des odeurs de viandes chaudes.
    Où était Tiercelet ? Avait-il atteint Castelreng ? En revenait-il ? Se défiait-il suffisamment des embûches ? Etait-il seul ? Se réjouissait-il de sa réussite ou bien, déçu et furieux, préparait-il quelque discours captieux destiné au seul Bagerant ?… Heureux homme tout de même : il était libre !… Et si les astronomiens levaient les yeux vers le ciel étoilé pour y déchiffrer l’avenir, Tristan baissait les siens, cherchant il ne savait trop quoi parmi tous ces feux terrestres – peut-être, dans l’agglomération de certains d’entre eux, le signe d’une assemblée de séditieux préparant un départ, une discorde… Il en doutait : le mal qui unissait cette racaille semblait un mortier indestructible.
    Oriabel l’observait avec insistance, essayant de comprendre ce qu’il pensait sans oser le lui demander. Dans les ténèbres livides à force de lueurs, l’émeraude de ses yeux violissait. Elle jetait un regard anxieux sur le Mont-Rond, songeant sans doute aux captives.
    – Revenons, disait-elle. J’ai froid.
    Sans plus faire attention qu’à l’aller au guisarmier chargé de leur surveillance – à tel point qu’ils n’eussent pu décrire son visage –, ils pénétraient dans leur chambre dont d’un coup sec, destiné à être entendu.
    Oriabel poussait le verrou.
     
    ***
     
    Bagerant réapparut à la fin d’un après-midi de pluie et de grêle. Armé de toutes pièces, l’œil vif et la mine enjouée mensongèrement, il s’était annoncé de la voix, non du poing.
    – Salut, les tourtereaux !
    Quelque

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