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Les amants de Brignais

Les amants de Brignais

Titel: Les amants de Brignais Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Pierre Naudin
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être reconnaissables !
    Le silence était plein des craquements du feu. Thillebort se courrouça :
    – Ils voulaient me quitter. Un traître me l’a dit. Ils ont profité du départ du Petit-Meschin pour Sauges, la nuit dernière, et se sont mêlés à ses hommes. Il me les a renvoyés… Ces bonnes filles savaient ce qui les attendait si elles ne démembraient pas ces apostats ! On les aurait écorchées et salées !
    Il tendit vers Tristan un doigt accusateur – ou menaçant :
    – Nous haïssons les déserteurs plus que nos ennemis !
    Ces propos fulminants ne provoquèrent qu’un haussement d’épaules.
    – La route, s’emporta le Borgne, c’est notre royaume. C’est comme un arbre immense : si quelque pourriture affaiblit une branche, on la tranche. Qu’as-tu à répliquer ?
    – Ta justice est infecte. Je ne regrette qu’une chose, Thillebort : c’est de ne pouvoir combler tout à fait ton furieux appétit de vengeance.
    – Hein ? Quoi ? s’étonna le Borgne dont l’œil cilla sous la poussée d’une larme de pus. As-tu un autre regret ?… Quel est-il ?
    – De ne pas commander céans.
    Il y eut un vacarme composé de rires et de « Hou ! Hou ! » moqueurs.
    – Cessez de le bourder (275)  ! s’écria Bagerant. Laissez-le achever. C’est son droit !
    – Tu as la parole, Castelet, hoqueta Garcie du Châtel qui s’étouffait de joie.
    Se penchant, Tristan échangea un regard avec Tier celet, puis avec Bagerant. Aucun doute : tous deux lui signifiaient de poursuivre.
    – Si je commandais, Thillebort, je te ferais avaler tout cela !… Et je t’eunuquerais ensuite, si tu vois ce que je veux dire, pour te forcer à te manger toi-même !
    – Mais tu ne commanderas jamais ! ricana de loin Héliot, un couteau dans chacune de ses mains levées. Et bête comme tu es, tu vivras moins longtemps que nous !
    – Je vivrai plus longtemps que toi si tu m’enfélonnes un peu trop !
    On se tut. Les filles disparurent, entraînant avec elles la baronne Mathilde et son hideux plateau.
    – Que va-t-elle en faire ? demanda Pierre de Montaut.
    – Nous n’avons plus de chiens, regretta Hazenorgue.
    – Mais les cochons ne manquent pas, dit Tristan avec une simplicité pesante.
    On rit, contrairement à ce qu’il attendait, tandis qu’il dévisageait un par un les convives. Naudon de Bagerant, hilare, se pencha :
    – Tu vois, si tu partais, bien sûr avant dix jours, et que je te retrouve, je pourrais faire en sorte que tu ne puisses plus satisfaire ton épouse…
    Oriabel cachait dans ses mains son visage. Elle en avait trop vu, trop entendu. Plus ombrageux encore dans son amitié que dans son orgueil de routier instruit des pires actions punitives, Tiercelet se pencha, lui aussi :
    – N’oublie pas que je veille sur lui comme un père. Non seulement il ne commettra rien qui te puisse indigner, mais pendant dix jours, il sera pleinement de la famille… Alors, garde-toi de le titiller !
    Héliot quitta la salle une seconde fois. Aussitôt Nadaillac se leva de table et le suivit. L’écuyer revint assez promptement, devançant le palefrenier.
    « Que nous préparent-ils ? » se demanda Tristan.
    Dehors, la nuit avait déployé ses ténèbres.
    Il fallut de nouveau boire et manger, même petitement. Parfois, la porte béait ; les deux captives apparaissaient, portant des corbeilles de pain, des pichets et chopines. Elles devaient les poser au milieu des tables. Des mains volaient vers leurs seins, leur taille, leur croupe, et des rires s’élevaient quand elles se refusaient à ce que le Bourg de Monsac, prodigue en attouchements, appelait des « ferveurs ». Tristan se sentait l’estomac noué ; Oriabel semblait près de vomir.
    – Songe, lui dit-il à mi-voix, que nous pourrions être morts. Tout ce que tu vois, tout ce que tu ressens doit te conforter dans l’idée que tu vis, qu’ils t’ont épargnée… et que tu ne seras jamais comme ces malheureuses.
    En était-il si convaincu ? Non, bien sûr. Mais ce mensonge et sa voix feutrée, aimante, composaient le seul remède qu’il pût administrer à la jouvencelle. Sur le mur, face à lui, envahi d’ombres mouvantes, les flammes du grand âtre au linteau fracassé lançaient leurs langues d’or et de pourpre. Ce feu bien vivant, c’était eux, et les ténèbres ces hommes aux visages apoplectiques. Il sentait sous certains fronts couver des appétits mystérieux et ne savait s’ils

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