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Les amants de Brignais

Les amants de Brignais

Titel: Les amants de Brignais Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Pierre Naudin
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à deux ou trois cents toises de son châtelet… que nous devons respecter, puisque c’est le désir de…
    – Pas de nom ! hurla une voix.
    – Soit, pas de nom, grommela Bagerant, mécontent. Tu te défies toujours de Castelreng, Aymery, et c’est ton droit. Pourtant, tu l’as ouï parler de cet homme.
    À coup sûr, il s’agissait de l’Archiprêtre. Tristan sentit monter une tension entre Thillebort, Aymery et son voisin, qui déclara :
    – Héliot est mon écuyer. Je n’ai guère l’occasion de lui montrer combien j’apprécie ses services. Je lui dit : « Garde-la mais ne l’abîme pas pour que nous puissions en tirer rançon. » Après tout, c’est le château de cette dame qu’on nous a demandé de respecter… Pas elle !… Es-tu satisfait, qu’Un-Œil ?
    Un grognement fit office de réponse. Mécontent, Garcie du Châtel se leva :
    –  Tu me parais indigne de cette Mathilde, Héliot n’en déplaise à Naudon ! Tu n’es qu’un galopin pour moi ; rien de plus ! Cette noble dame me plaît. Elle a de beaux tétons et un cul à damner le Saint-Père… Et je vais t’en dire davantage, puisque je parle du Pape elle n’a pas l’air… Innocent ! Je te l’échange contre ma jument guilledine (277) … C’est une belle affaire car je me lasserai de la dame en quatre ou cinq jours… Tu garderas ma jument aussi longtemps que la vie !
    – Chevauchez votre jument ! Je chevaucherai Mathilde !
    – Ha ! Ha ! ricana Thillebort, avec ce qu’il a entre les jambes, il ne la comblera pas, cette bonne dame ! Mais vous vous échauffez pour rien, bons amis !… Demain, à l’aube, je partirai ; le soir, vous serez servis – et bien servis ! – en femmes, pucelles et jouvenceaux !
    Il devait se maintenir dans l’estime de tous par sa faculté de les pourvoir en chair fraîche jusqu’à ce que, la satiété atteinte ou les « prises » trépassées, il lui fallût en chercher à nouveau. Il était récompensé de ses dons en mangeaille (il recevait les meilleurs morceaux), en orfèvrerie (des affiquets de femmes et des grelots d’or paraient son pourpoint de velours cramoisi). Ainsi qu’un vent dévastateur, il devait, devant ses malandrins, s’abattre à la nuitée sur les hameaux paisibles, occire ce qui le gênait, rober ce qui lui plaisait et ne laisser, sur son passage, que des braises et des fumées. Maintenant, il avait un air à la fois provocant et satisfait, humble et renfrogné. Ministre des plaisirs, honoré par beaucoup, peut-être avait-il des ennemis. Aymery le traitait de haut, avec une considération narquoise ; Jean Doublet semblait le haïr.
    Pour se retirer tout à coup, Pierre de Montaut excipa d’une grosse lassitude. « On sait où tu l’as ! », s’ébaudit Espiote sans que sa remarque atteignît l’homme qui s’en allait d’un pas pesant. Au passage, il avait échangé avec Béraut de Bartan, un regard de connivence. Jean Hazenorgue, l’Allemand, rota, puis tambourina sur son ventre et déclara que pour lui, le repas prenait fin, mais qu’il avait grand-hâte, avant d’aller dormir, d’assister à l’entre-mets.
    – Patience ! Patience !
    C’était Angilbert, épulon de ce banquet funèbre, qui lançait cela sans se départir de son air débonnaire. Sa dévotion n’était- elle qu’une hypocrisie sous laquelle fermentaient des cruautés vivaces ?
    – Avons-nous besoin d’assister à vos jeux ?
    Bagerant qui riait parut comme offensé :
    – Es-tu homme, Castelreng ? Il me faut te morigéner 80 même si tu ne dois demeurer que fort peu parmi nous. J’exige ta présence et celle de ta femme. Elle verra au moins ce qui l’attend s’il lui prenait, avant le 10 avril, l’envie de guerpir avec toi !
    Une expression de surprise et de dédain monta de la bouche aux sourcils du routier :
    – Tu ne me réponds rien ?… Serait-ce votre intention ?
    – As-tu fini de dire des bourdes ? fit Tiercelet, le sourire triste. Tel que je te connais, il doit être salé, ton entre-mets !
    – Ce n’est pas le mien ! C’est celui d’Aymery.
    – Un Goddon, fit Tristan, plus rieur qu’agressif.
    – Chez nous, il n’y a plus de France et d’Angle terre : il y a la fraternité, la liberté, presque l’égalité… Nous sommes égaux, libres et fraternels !
    – J’ai vu, Naudon, où ces grands mots vous mènent. Je n’en connais pas de plus vains, car vous n’êtes ni égaux ni libres… encore moins

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