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Les amants de Brignais

Les amants de Brignais

Titel: Les amants de Brignais Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Pierre Naudin
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grommellements. Portée par quatre hommes torse nu, leur cagoule de bourreaux à demi décalottée, une cage de bois coiffée d’osier apparut, contenant des gorets d’apparence tranquille.
    – S’ils ne font pas bien l’affaire, dit Thillebort dont le cheval avait les oreilles chauvies, on les mangera demain !
    – Et ces femmes ? interrogea Héliot. Savent-elles ce qu’elles doivent faire ?
    – Je les ai préve… nues ! ricana Garcie du Châtel.
    –  Sont-elles vraiment nues ? insista Thillebort.
    – Comme le plat de la main ! affirma Bertuchin avec un évident plaisir.
    En dépit du poids de son armure, Tristan s’était enfin juché sur son moreau sans qu’on lui tînt l’étrier. Il s’aperçut alors que Nadaillac tenait le cheval par la bride et poignait l’épieu qui lui avait été attribué. Le choix d’un tel coquin éveilla sa suspicion.
    – Holà ! permettez, mes bons sires. Aux joutes, je prends soin d’examiner pouce par pouce les lances qui me sont offertes.
    Il se tourna vers l’assistance et se merveilla de la contrariété de Pierre de Montaut, qui le menaçait du poing.
    – Je vous serais reconnaissant d’approcher un flam beau.
    – En voilà des façons ! s’indigna Thillebort, approuvé du seul Héliot.
    Il y eut des grognements, mais comme Aymery lui-même approchait un falot, ils s’apaisèrent.
    Tristan décida de prendre son temps. Non seulement il tenait à vérifier si la hampe de son épieu n’avait pas été soigneusement sciée ou ne présentait pas un nœud aidant, lors d’un coup violent, à sa rupture, mais il voulait aussi provoquer chez ses adversaires avides d’horions, une impatience qui leur serait néfaste.
    Il procéda à l’inspection de la hampe. Du bon frêne à peine sec. Le rochet à douille épaisse était assujetti au bois par deux rivets solides ; dessous, le manche n’offrait que peu de petits nœuds et le doigt glissait à sa surface comme sur un acier soigneusement fourbi.
    – Ce sont là des manières par lesquelles un chevalier retors diffère son entrée en lice ! gronda Aymery, approuvé par ses satellites.
    Tristan, le pouce posé au milieu de la hampe, demanda innocemment :
    – Qu’est-ce donc que cela, messire ? Qu’est-ce donc sinon une entaille… une coupure faite avec une lame mince et bouchée proprement à la cire ?… Elevez, je vous prie, votre luminaire.
    Il défiait l’Anglais les yeux dans les yeux. Son cœur battait paisiblement et, sous le fer qui la protégeait, sa poitrine se soulevait avec une régularité, une indolence dont lui-même s’ébahissait. Le tutoiement lui parut nécessaire :
    – Vérifie. Aymery… Examine bien ! Je ne suis pas retors mais avisé.
    L’Anglais, maussade, passa son index puis sa paume sur le bois, les sentit et convint qu’ils flairaient la cire et qu’il y avait une mince mais profonde entaille au mitan de la hampe. Avec une soudaineté rare chez cet homme qui ne devait vibrer qu’à la bataille, il leva sur Tristan un regard insondable :
    – Penche-toi, Castelreng. Tu peux dire que tu nous incagues 82  !… Mais je te reconnais de la valeur, de la vaillance et ce qui me plaît aussi : de la prudence…
    Un hurlement fit suite à cette confidence tellement chuchotée que Thillebort et Héliot n’avaient rien entendu :
    – Qui a fait cela ?
    Silence. Le visage d’Ayrnery, figé dans son mécontentement, n’exprimait rien. Pas même la déception. Il connaissait son monde et savait que nul ne se dénoncerait.
    – J’observe, dit Tristan – avec ta permission, bien sûr – que le courage n’est guère en usage chez-vous.
    Il est vrai que la rigueur de vos châtiments ne saurai inciter le ou les fautifs de ce mauvais coup envers moi à faire preuve d’un tantinet de bachelerie (282) . Tes compères ne sont hardis qu’en présence de femmes nues… Encore faut-il qu’ils se mettent à plusieurs pour…
    Le falot bondit vers les yeux de Tristan et ce mouvement effraya son cheval : il rua et transmit son émoi à tous ses congénères.
    – Continue ta litanie, chevalier !… Or çà ! Je t’en préviens : elle commence à m’échauffer les oreilles. Te voilà instruit : prends garde !
    Sans que peut-être il en eût été conscient, l’Anglais s’était exprimé en soupirant trois ou quatre fois, révélant ainsi son courroux d’assumer seul la honte d’une basse besogne. Avait-il seulement des soupçons sur

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