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Les amants de Brignais

Les amants de Brignais

Titel: Les amants de Brignais Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Pierre Naudin
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un second mécontent !… Pour peu que Thillebort veuille douze femmes au lieu de six, et que Bertuchin, lui, exige ensuite, dans cette lice, douze porcs à sa semblance, nous serons toujours là jusqu’à l’aube prochaine.
    Sciemment, posément, il aiguisait des fureurs dont il n’avait cure. Aymery lui aussi pouvait être secrètement excédé par la fraude d’Héliot et sa protestation concernant son otage. Pour mieux dissimuler sa nudité, dame Mathilde s’était accroupie. La montrant du doigt à Nadaillac, impassible en apparence, mais dont les mains tremblaient, Thillebort lui demanda ce à quoi, selon lui, elle était occupée.
    – Je suis sûr que ce jeu lui a donné la cacade !
    – C’est vrai, Thomas : courir après des porcs lui baille la courante !
    Penché en avant, Espiote s’esclaffa d’avoir entendu ces bons mots, sans se douter que plus ombrageux encore dans son orgueil que dans sa tyrannie, Aymery recevait les éclats de cette gaieté comme autant d’égratignures.
    – Il suffit ! hurla-t-il. La partie est remise.
    Un « Oh ! » de déception ouvrit toutes les bouches, sauf celles de Tiercelet, d’Oriabel et de Bagerant qui s’avança d’un pas lent, calculé, jusqu’à l’Anglais. Il paraissait furieux et content. De sa cubitière, il toucha celle d’Aymery :
    – Que te disais-je, il y a peu ?… Ce Castelreng avec ses bons sentiments est un emmerdeur comme oncques n’en vit !… Que décides-tu pour ces femelles ? Toutes debout, assemblées, transies, l’une contre l’autre, elles tendaient leurs faces blêmes de froidure et d’anxiété au-dessus de la cage aux porcelets près de laquelle elles s’étaient réfugiées. Aymery les enveloppa d’un regard vif, excédé, mais ne dit mot. Bagerant insista :
    –  Regarde-les !… À les voir ainsi chair contre chair, je suis sûr que certaines s’aousent (283) entre elles quand nous les abandonnons… Qu’en dis-tu, saint Tristan, le bon Samaritain ?
    – Je conçois que vos façons de les tâtonner et de les étreindre puissent les dégoûter de votre ferveur et les inciter à s’amourer autrement !
    Il vit Héliot, qui venait de mettre pied à terre, dégainer son épée. L’écuyer pointa sa lame sur son plastron de fer tout en morigénant les deux compères :
    – Quel temps perdez-vous, mes beaux sires, avec ce hutin qui ne songe qu’à nous fournir des leçons imméritées ! Allez-vous continuer de vous faire administrer par ce blanc-bec, des blâmes et des reproches ? Chiez-vous dans vos braies chaque fois qu’il vous conteste quelque chose ?… Que se passe-t-il à Brignais depuis qu’Angilbert y a dit la messe ?
    Tristan considérait la lame scintillante. Elle ne pouvait traverser son plastron. Sous le large bord du chapel de Montauban, les yeux d’Héliot reflétèrent une sorte de triomphe :
    – Tu n’es plus si falourdeur (284) , hein, Castelreng, dès lors que je peux t’occire ?
    – Baisse cet acier. Ce n’est pas un couteau de cuisine et tu pourrais te blesser !
    Héliot grommela comme les porcs tout proches en portant à son détracteur une estocade à la tête. Tristan déjoua aisément le coup.
    – Quand je te disais que seuls les couteaux et les viandes mornées semblaient à ta convenance ! dit-il en reculant entre son moreau et le cheval d’Héliot, le temps de décrocher son épée de sa bélière sans pouvoir toutefois l’extraire du fourreau.
    Il apparut d’un bond devant son agresseur et du bout de sa Floberge engainée fit sauter son chapeau de fer. La lourde coiffe tinta et tournilla sur le sol devant les pieds de Bagerant qui l’enjamba, laissant à Espiote le soin de la ramasser.
    Tristan profita de son avantage :
    – On se découvre devant les prud’hommes !… Ne le savais-tu pas, Héliot ? Morbleu ! comment se fait-il que tu ne chantes plus ! As-tu peur ?
    Vermillonné de honte et décidé à restaurer, devant l’assistance muette, immobile, sa fierté bafouée, Héliot chargea. Grognant contre une obstination dont il prévoyait et redoutait l’issue, Tristan, du picot de sa Floberge toujours enfermée, visa le malandrin à la tête. Pour le malheur de celui-ci, une virole céda, au-dessus de sa bouterolle. Libéré des attelles de hêtre, le tranchant coupa le cuir fatigué, taillant, sous la force du heurt, la joue d’Héliot si profondément qu’elle atteignit et déchira son oreille. Pantelant de douleur et de rage, il se

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