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Les amants de Brignais

Les amants de Brignais

Titel: Les amants de Brignais Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Pierre Naudin
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découvrait qu’au lieu de se sentir confondu de honte et de tristesse, il s’encuirassait d’orgueil et de dédain. Et s’il n’eût conservé son sens de la mesure, il se fût réjoui d’avoir contribué, à son corps défendant – la formule le réjouit – au triomphe d’une armée de malandrins envers lesquels, pourtant, son exécration demeurait inchangée.
    Soudain, et parce qu’il était à bout de fatigue et d’humeur, l’envie le prit de rire. S’ébaudir à la fois des gens et de son malencontreux destin ; s’ébaudir de cette défaite de la noblesse face au vice. Ecrasés par des pierres, les Justes ! comme disait Bagerant. Ecrasés par des frondeurs sans qu’aucun de ceux-ci ne se fût pris pour David. Aplatis, débordés, saccagés par l’intelli gence et la perfidie, l’astuce et le courage, car ces fils de Belzébuth s’en trouvaient pourvus.
    – Qu’on les écartèle !
    – Emasculons-les !
    – Maintenant ! hurla une harengère. Je me chargerais bien de leur couper le vit et l’escarcelle !
    – Tu vois, commenta Angilbert en touchant Tristan du coude. Il n’y a pas que chez nous que des envies de cette espèce prennent naissance ! Donne un couteau à cette gentilfame et elle t’empêchera… rasibus, l’envie de forniquer !
    Tristan regarda ses mains. Elles enflaient toujours. Ses doigts lui faisaient mal : le sang n’y passait plus. Son liard ne le tirait pas comme celui d’Angilbert tirait le clerc à la démarche alourdie. C’était un bon cheval, ce pommelé. Le croc d’une guisarme avait taillé sa cuisse dextre, et s’il souffrait, son sang ne coulait plus.
    – Où nous mènes-tu, Guillonnet ?
    Nulle réponse. Quelle prison ? Elles étaient aussi nombreuses que les juridictions : seigneurs, sénéchaux et baillis ; prévôts et communes… Les évêques disposaient de leurs ergastules ainsi que les Chapitres et les abbayes…
    – Vous serez jugés en la Prévôté… ou à la Male-maison par le tribunal du bailli royal… Mais ne me parle plus, maraud, ou je te frappe !
    La foule parut reculer. Ce n’était qu’une impression : le cortège atteignait une place. Le cheval qui menait le charreton se mit à trotter pour entrer sous un porche. Les vociférations s’atténuèrent pour renaître, empirées, dès que la voûte eut été franchie. Les gens parurent à Tristan plus nombreux. Une femme remonta le groupe des captifs pour précéder le convoi.
    – Bourbon va mourir ! hurla-t-elle. Son fils est mat. Je les ai vus du haut de ma fenêtre !
    La fureur du peuple s’exprima en mugissements, sifflets, haros et sarcasmes, tandis que des fourches et des bâtons se levaient parmi les poings agités.
    – Heureusement que tu as conservé ton armure, mon fils, dit Angilbert. J’ai, moi, des mailles sous mon froc. Sans elles je serais bleu des épaules au cul !
    – Je comprends leur haine et leur courroux, dit Tristan. La déception les aggrave.
    Une pierre l’atteignit au front, une autre à la tempe. Il sentit du chaud glisser sur sa chair. Son épaule vibra sous un heurt qui, sans son fer, lui eût fait un mal terrible. Il baissa la tête et regarda les gens en dessous, fugacement, pendant qu’il sentait sa mâchoire s’empâter sous un coup de verge. Il pinça les lèvres afin de préserver ses dents.
    – Jésus a dû subir un pareil… martyre, mon fils, bredouilla Angilbert.
    –  Jésus était un saint ! grommela Salbris. Vous n’êtes que des pourritures !
    La tonsure du presbytérien éclata sous une volée de lanières.
    – Ce n’était pas un fouet de guerre, dit-il simplement, mais un scorpion dont les cinglades sont lestées d’hameçons et de billes de plomb… Si je soupire, c’est que la douleur est forte ; c’est aussi parce que je t’aime bien, Castelreng… Quand nous serons au Ciel, tu me raconteras ta vie.
    – Vous me confesserez avant !
    – Et de quoi, mon fils ? D’avoir été vaillant, aimant, repentant ?
    – Au point où j’en suis, mon Père, je ne saurais me repentir. La haine de ces manants m’oblige à reporter sur eux l’aversion que j’ai eue pour vos compagnons. Plus les gens sont couards et plus ils deviennent méchants quand l’occasion d’exprimer leur mauvaiseté foncière se présente. Les femmes, surtout, hélas !
    – Oh ! regarde mon fils cette noire maison où veillent des coquins copieusement armés !
    Un rire s’éleva, derrière eux ; celui du guisarmier

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