Les amants de Brignais
ses partisans. Comme on sait, de façon formelle, que Martin était le frère de Marguerite, un syllogisme suffit pour certifier le lien fraternel entre Pépin et celle-ci, et conclure que cet homme-là rompit au dernier moment avec son beau-frère dont il avait dû profiter des largesses.
Les fréquentations du prévôt des marchands furent toujours équivoques. Non seulement il avait placé sa confiance en ces deux Essarts, mais aussi en Jean Maillart. Ils l’abandonnèrent in extremis dans la crainte d’être pendus ou décapités pour trahison, ce qui se conçoit mais révèle, cependant, des caractères assez répugnants.
Après ces événements, Pépin des Essarts parvint à maintenir sur sa personne, par compères interposés, l’attention d’un dauphin ignorant des intrigues qui avaient eu Paris pour cadre lors de son absence. Le zèle que mit ce gredin à servir son nouveau maître fut maculé de sang : une de ses actions, qui passe pour glorieuse, suscita des représailles immensément sanglantes. Qu’on en juge :
Le régent (ou dauphin), futur Charles V, avait fait réunir secrètement des navires au Crotoy. Cette flotte, commandée par Jean de Neuville (354) et Pépin des Essarts devait opérer quelques débarquements sur les côtes d’Angleterre : Southampton, Portsmouth, Sandwich. Les vents ne la poussèrent que devant Winchelsea. Le 14 mars 1360,1 200 hommes d’armes et 800 arbalétriers prirent la ville d’assaut et rembarquèrent en ne laissant que morts et ruines.
La revanche d’Edouard III s’exerça sur Honfleur puis sur toutes les cités qu’il emprunta de la Bourgogne à Paris (355) . Le 31 mars, il était à Chanteloup, près d’Arpajon. Il incendia ensuite Orly, Longjumeau, Montlhéry et, à Paris, les faubourgs Saint-Marcel et Saint-Germain. Châtillon, Montrouge, Gentilly, Cachan, Issy et Vaugirard éprouvèrent la fureur anglaise. Au subit acte de bravoure commis par messires de Neuville et des Essarts à Winchelsea, le roi d’Angleterre répliqua rigoureusement car il ne faut pas oublier, lorsqu’on y fait référence, que la France et l’Angleterre étaient alors en période de trêve. En fait, et pour s’exprimer crûment, violer une trêve était bien la seule chose que l’égrotant dauphin pût se permettre.
LA PERFIDIE DE JEAN MAILLART
Si l’on sait comment Pépin des Essarts se redima de ses « erreurs », on ignore comment Jean Maillart, principal sectateur d’Etienne Marcel, parvint à se faufi ler parmi les 16 plénipotentiaires que le dauphin envoya à Chartres, au printemps 1360, pour traiter de la paix avec l’Angleterre. Un Jean Maillart, en effet – qui ne peut-être que l’ex-suppôt du prévôt des marchands, figure auprès de Jean Dormans, Etienne de Paris, Jean d’Augerant, Boucicaut, Charles de Montmorency, Regnault de Gouilions, capitaine de Paris, Simon de Bucy et quelques notaires. On peut supposer certaines amitiés secrètes ; la peur d’une dénonciation… car au temps de sa puissance, Etienne Marcel ne manquait pas de courtisans !
L’attitude équivoque de Maillart avait étonné un homme bien avant qu’elle eût intrigué l’auteur de cet ouvrage. Cet homme fut un érudit. Né à Valognes en 1742, mort à Paris en 1833, Bon-Joseph Dacier fut membre de l’Académie française, traducteur d’Elien et de Xénophon. Le mardi 28 avril 1778, il prononça une conférence à l’Académie royale des Inscriptions et Belles-Lettres. Son titre est une question :
À qui doit-on attribuer la gloire de la révolution qui sauva Paris pendant la prison du roi Jean ?
Il semble superflu de commenter ce texte. On peut le consulter dans sa typographie d’origine dans les Mémoires de Littéra ture tirés des registres de l’Académie royale des Inscriptions et Belles-Lettres , tome 43, cote Z 5097, année 1786 à la Bibliothèque Nationale. Le voici dans son intégralité et sa ponctuation d’origine.
* Suivant l’opinion commune, la gloire de cette heureuse révolution appartient à Jean Maillart : lui seul, dit-on, découvrit la trame ourdie par Etienne Marcel, Prévôt des Marchands, déconcerta ses projets, le punit de ses attentats, détruisit l’anarchie, conserva la vie à des milliers de citoyens, fit rentrer Paris sous l’autorité de ses maîtres légitimes, et valut à la Nation le règne de Charles V. Notre histoire n’offre point d’exemple d’un service plus signalé : mais Maillart a-t-il
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