Les amants de Brignais
d’hommes éminents comme Hugues de Vienne ; Jean de Melun, comte de Tancarville ; le comte d’Uzès, Amédée des Baux ; Guillaume de Fay, seigneur de Chapteuil et de Peyraud, de l’illustre Maison de La Tour-Maubourg en Vivarais, qui périt comme tant d’autres dans la mêlée. Ils avaient, la plupart, amené leurs vassaux et leurs fils qui voulaient gagner les éperons sous le commandement d’un chef expert en faits d’armes, « entraînés par le sentiment du devoir et l’amour de la gloire ». On peut anticiper en disant qu’ils trouvèrent la mort, le déshonneur et même la folie à Brignais : Louis, comte de Forez, qui était né en 1338 à Saint-Galmier, de Guignes VII et Jeanne de Bourbon, sœur de Jacques, comte de la Marche, fut un des premiers prisonniers 138 il avait épousé Jeanne de Turenne qui sans doute avait élevé quelques objections quand il avait décidé d’em mener son très jeune frère avec lui… Jean II devint fou lors de la boucherie !
En tête des sergents d’armes, on avait placé l’Archiprêtre : le drôle avait âprement marchandé sa participation ! Il amenait 1 500 aventuriers qui ne se faisaient aucun scrupule de combattre leurs anciens compagnons. Si une faute énorme fut préalablement commise, ce fut bien celle de les mettre en avant-garde, de façon à déjouer les ruses.
Jamais un homme tel qu’Arnaud de Cervole n’aurait dû figurer dans l’armée royale. Il est vrai que la plupart des chevaliers qui le côtoyaient ne différaient que peu de ce tortueux gredin. On pourrait justement, pour tenter de les défendre, exciper de leur appartenance à l’Ordre dont ils se réclamaient. Or, qu’était-ce donc que cet Ordre suprême ? Une espèce de breloque morale dont ils se montraient d’autant plus fiers qu’elle leur donnait bonne conscience. Tous lavaient leurs petits ou grands forfaits dans une bonne messe et, cet exercice d’hygiène accompli, se délectaient dans des récidives honteuses. « L’institution de la Chevalerie », écrit D. Lingard dans son History of England, valable tant pour l’Angleterre que pour la France et le reste de l’Europe médiévale, « a eu moins d’influence qu’on ne le prétend sur la civilisation. Elle donna, il est vrai, un éclat extérieur à la vaillance, elle régla les lois de la courtoisie, elle inculqua les principes d’honneur, principes souvent faux, mais les passions les plus sombres et les plus vindicatives restèrent en dehors de son contrôle, et les plus accomplis de cet âge ont, dans certaines occasions, montré une férocité de caractère et de mœurs qui n’aurait pas été déplacée chez leurs ancêtres du VI e siècle. »
C’est aussi l’opinion de M. Allut qui, le seul à notre connaissance, ait placé Guesclin à sa véritable place : dans les plus ignobles aventuriers de son siècle, preuves à l’appui, et qui, avant même d’entamer le procès du connétable de France, constatait : « La plupart des preux de ce temps-là, s’ils revenaient en ce monde, feraient fort en peine de maintenir leurs droits à l’auréole dont leurs panégyristes et la croyance populaire l es ont longtemps environnés. »
La lettre du Pape au roi de France que M. Allut cite i n extenso n’a jamais été publiée après lui. Elle le sera. Autre sujet d’étonnement : M. Allut ne figure pas dans les bibliographies des historiens modernes ! Certains, peut-être, se réjouiront de cet ostracisme en trouvant les considérations abusives : il fallait que son nom et celles-ci figurassent dans ces pages.
La bataille est racontée selon l’humeur et la conscience des contemporains. Elle eut lieu le mercredi 5 avril 1362, jour des Rameaux, et seul Froissart s’est trompé de date. De peu : un jour. Selon lui, en prévision de leur affrontement imminent contre les troupes royales, les bandes s’étaient partagées en deux corps. Le premier, composé de compagnies moins armées et moins aguerries, s’établit sur une montagne voisine de Brignais et s’y fortifia de telle sorte qu’on ne pouvait approcher « fors à meschef ou à danger ». C’est en ces lieux que se trouvaient les cailloux et les rochers. Les malandrins n’avaient qu’à se baisser pour écraser les assaillants du haut de leurs retranchements. Tout proche de ce premier corps, le second, composé de routiers mieux armés et « adurés », se tenait en embuscade. Lorsque les coureurs de Jacques de Bourbon
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