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Les amants de Brignais

Les amants de Brignais

Titel: Les amants de Brignais Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Pierre Naudin
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sans doute : il leur eût porté un préjudice irrémédiable.
    – Messire… ou plutôt compagnon : vous voyez cette maison ?
    C’était une bâtisse d’un étage. On y accédait en franchissant un double porche, piéton et charretier. Au-delà, éclairés par un feu vigoureux, deux tonneliers cerclaient une barrique.
    – Si c’est une hôtellerie, la grange peut servir de refuge aux pèlerins démunis. Nous allons essayer d’y rester jusqu’à demain… Je vais aller parler à ces hommes… Craignez rien : j’aurai soin de demeurer dans l’ombre. Ils me verront à peine… Je leur proposerai d’acquérir la jument.
    – Pourquoi ne pas vendre aussi mon cheval ?
    Comme accablé par une énormité. Tiercelet battit des mains et des paupières :
    –  Il importe que vous conserviez ce moreau, et même que nous le mettions cette nuit en lieu sûr… Pas dans une écurie ouverte à tout venant, mais dans un enclos bien choisi.
    – Et pourquoi ?
    – Nos pourchasseurs nous haïssent pour le trépas d’un des leurs. Il se pourrait qu’ils galopent jusqu’à Vézelay : je ne redoute pas cet acharnement, mais je m’en méfie… Il faut trouver à ce cheval un abri où, s’ils viennent, ils n’iront pas. Il faudra aussi l’abreuver et le nourrir.
    –  Oui… Faites ce qu’il vous plaît en attendant ma revenue, mais ne vous éloignez pas de cet endroit… Liez votre Noiraud à cet arbre si vous voulez vraiment prier un tantinet.
    – Quel homme ! murmura Tristan lorsque Tiercelet disparut.
    Il mit son cheval à l’attache et marcha dans l’ombre de la basilique.
    « Moi, l’allié d’un malandrin !… Et de plus, en son absence, je me sens seul et fragile ! »
    Il s’imaginait d’autant plus souillé par ses aventures qu’il venait d’accéder – mais n’était-ce pas grâce à elles ? – à un havre de sainteté.
    Il se devait de pénétrer dans cet asile. Il s’y allégerait, promptement l’esprit d’un fardeau de remords dont il s’ébahissait qu’ils lui parussent si peu encombrants.
    Etait-ce ouvert ? Oui ! se réjouit-il en poussant le petit huis pratiqué dans le grand portail d’entrée.
    Tout de suite, il avisa le bénitier, y trempa ses doigts et se signa. Et plus rien ne compta que ce qu’il découvrait.
    Cierges, chandelles, couronnes de lumière suspendues très haut, telles d’immenses auréoles, tout le luminaire du saint lieu flamboyait encore avec une force particulière et comme passion née. En l’absence, sans doute, du chevecier (1) 59 les frères servants se montraient prodigues du lumignon. Débordant des coupelles pleines, une pluie de suif tombait çà et là dont les gouttes, sur le pavement, formaient des croûtes rondes, aussi larges que des écus.
    Quel sentiment de quiétude ! Ces voûtes ombreuses, dépouillées d’ornements, c’était le Ciel. Après les innombrables et rugueux piliers des forêts, ceux parmi lesquels il marchait semblaient s’écarter pour rendre plus aisé son cheminement vers un autel étincelant.
    Il se sentait lavé de sa fatigue, absent du monde, visité d’une sérénité d’homme neuf, en accord avec un silence tellement pur que parfois il entendait brasiller les lancettes d’or d’une herse.
    – Personne, murmura-t-il. Ou plutôt si : Quelqu’un qui nous attend toujours !
    Dieu, maintenant, lui accordait-il quelque intérêt ? Pouvait-il l’accueillir tel qu’il se montrait à Lui et le délivrer des hontes qui, de loin en loin, échauffaient son esprit et son sang ? Etait-ce une faute irréparable que d’avoir un dévoyé pour compagnon ? Devant la luxurieuse Perrette, ne s’était-il pas conduit… comme un saint ? Pour se trouver céans, avide d’indulgence et, surtout, d’absolution, il avait bien fallu qu’il suivît Tiercelet… Menant, lui, l’existence de cet humble assembleur de mailles, que serait-il devenu ? Il ne s’était jamais appauvri l’esprit en côtoyant cet ancien Jacques.
    – Seigneur, soupira-t-il devant la première statue du Crucifié qu’il rencontra, ce rustique dont l’aide m’est précieuse est riche d’astuce et d’énergie… Son intelligence est drue, féconde. Ce sont les malheurs de la vie et les malfaisances de son voisinage qui ont assombri son âme… J’ai du regret parfois, seulement parfois, d’avancer dans les pas d’un homme de cette espèce, et il m’advient d’éprouver du contentement de le savoir près de moi quand le

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