Bücher online kostenlos Kostenlos Online Lesen
Les amants de Brignais

Les amants de Brignais

Titel: Les amants de Brignais Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Pierre Naudin
Vom Netzwerk:
visage un reflet d’une douceur incertaine ; ses cils bas révélaient l’atteinte du sommeil et sur sa bouche pincée affleurait un bâillement davantage dû à l’ennui qu’à une lassitude issue de ses frayeurs anciennes et récentes.
    « Belle et solide », songea-t-il.
    Le matin même, voire avant qu’elle ne lui fut apparue chez Eustache, un tel amalgame lui eût semblé impossible. Eh bien, force et beauté se conjuguaient en elle. Il pouvait louer sans détour le providentiel hasard qui les avait réunis.
    Bagerant alentit l’amble de son cheval puis, quand il fut rejoint :
    – Nous sommes passés par Oullins et parvenus à Saint-Genis-Laval par la montée des Roches. Quand le chemin s’est trouvé enserré entre deux chapelets de collines, et s’il avait fait jour, tu aurais vu le Clos des Barolles… Ensuite, nous avons suivi le cours du Garon. Brignais est situé sur les deux rives de cette rivière qui prend sa source au-dessus de Thurins et va se perdre dans le Rhône, à Givors… Mais nous sommes rendus : nous voilà au Mont-Rond.
    On atteignit le pied de la colline. Des hommes veillaient derrière des roulis 42 entre lesquels les chevaux ne pouvaient passer en ligne.
    – Salut, Naudon ! cria l’un d’eux avec une déférence lourde.
    Ils étaient six, vêtus de brigantines déchirées, coiffés de barbutes ternies entre les jouées desquelles apparaissaient leurs faces revêches. Le plus jeune remua une lanterne en forme de poivrière dont la corne salie atténuait l’éclat et précéda le cor tège, pendant une centaine de pas, jusqu’à un fossé que franchissait un petit pont. Le tablier sans garde-corps se composait de troncs d’arbres sommairement écorcés. Quelques sabots glissèrent.
    – Doucement ! recommanda le lanternier. Ardez ! C’est profond d’une toise : en tombant vos chevaux pourraient se rompre un membre… et vous aussi. Gardez-vous : il y a deux autres passages comme celui-ci.
    Par deux fois, les sabots crépitèrent sur des pontons de bois rude avant de patouiller dans un éparpillement de graviers et de galets parmi lesquels, de loin en loin, un rocher de la taille d’un veau reflétait, sur ses gibbosités humides, les clartés confondues des flammes et des cieux.
    – Voici la rocaille dont je t’ai parlé, Tiercelet, dit Bagerant. On a tout employé pour l’apporter en ces lieux : chariots, basternes, haquets et même des bards pour certains gros morceaux. Une centaine de charre tées. Nous disposons de quoi nous fortifier.
    – Tiens, dit le brèche-dent, on dirait une jonchée d’œufs !
    – C’est ce qu’il reste des cailloux parmi lesquels nos frondeurs, qui sont un bon millier, ont fait leurs provisions.
    Les chevaux bronchaient sur la pierraille. Les feux où rôtissaient moutons et volailles se multipliaient. L’éclat de ces brochées parfois longues de deux aunes donnait aux hommes qui se mouvaient tout autour un aspect fumeux, vermillonné – diabolique. Ils riaient, hurlaient mais interrompaient, avant que le chef de route et ses compères ne fussent passés, leurs mastications et parlures. « Salut, Naudon ! Bienvenue, Naudon ! » Lui seul comptait ; cependant, ces témoignages, de respect semblaient autant d’importunités que Bagerant dispersait de sa dextre, comme il l’eût fait d’un essaim de moucherons.
    Les feux croissant en nombre et en force, la colline se barbouillait de rouge ; les faces des malandrins groupés là s’en trouvaient maculées, de sorte qu’elles semblaient toutes ensanglantées.
    – Une femme ! s’écrièrent certains en apercevant Oriabel.
    Tandis que la pucelle s’appuyait contre lui de l’épaule à la hanche, Tristan sentit monter vers elle ce qu’il redoutait le plus : cette concupiscence de mâles accoutumés à obtenir tout ce dont ils avaient envie. Sous les flambées ondoyantes, la robe simplette d’Oriabel prenait sans doute l’apparence d’un vêtement de prix, et quand un jouvenceau, simulant de ses mains la forme de son corps, s’exclama : « Elle est pas fière ! », il fut assuré qu’au lieu d’un compliment sans malice, il s’agissait d’une appréciation tendant à faire accroire que, n’étant pas d’une apparence hautaine, cette inconnue n’était qu’une ribaude destinée aux capitaines.
    –  Bon sang ! s’étonna Tiercelet. La compagnie s’est renforcée.
    Etait-ce un regard admiratif ou inquiet qu’il promenait sur ces

Weitere Kostenlose Bücher