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Les amants de Brignais

Les amants de Brignais

Titel: Les amants de Brignais Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Pierre Naudin
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sylve. Parfois, un champ étendait ses tapisseries jonchées de brumes cristallines, et Oriabel resserrait son étreinte.
    « Par quel miracle pourrai-je fuir ces gens-là ?… Moi seul, oui… Et avec Tiercelet… Désormais, je dois également penser pour elle… Elle m’aime… Je l’aime… Nul ne saurait se dépêtrer des fumeux 40 de cette espèce avec de telles évidences. »
    Il entendit Bagerant s’esclaffer. Il ne devait rien espérer de cet homme. « Tenez-vous sagement dans l’ombre », lui avait recommandé Jean II. Ce n’était pas une ombre qui l’enfermait dans ses plis, mais des ténèbres pareilles à celles de l’Erèbe, le vestibule de l’enfer.
    – J’ai peur, chuchota Oriabel.
    Et lui donc !

IV
     
     
     
    À l’extrémité d’un vallon étouffé entre deux murailles rocheuses, plantées de maigres cyprès aux quenouilles frémissantes, une montagnette apparut, pailletée de clartés. Celles-ci, peu nombreuses à la base, foisonnaient en s’élevant vers le sommet. Là, elles s’accumulaient, vibrantes, pourprées, cuivrées, joyeuses, pour sertir, embraser, quelque chose de noir.
    – On y est, dit Tiercelet qui chevauchait devant Tristan et Oriabel.
    Il se détourna. Ses yeux eurent une luisance fugitive, comme s’ils avaient failli s’allumer à ces flammes qu’il désignait d’un doigt tremblant.
    – La nuit en est à son commencement et l’on croirait que le soleil se lève.
    Il pouvait à juste raison comparer le flamboiement de la motte de Brignais à celui d’une aurore. Naudon de Bagerant intervint :
    – Dirait-on pas plutôt une jonchée de fleurs tressautantes sur un gros tas de tourbe ?
    Il fallait bien une centaine de feux à cuire la pitance et deux ou trois cents flambeaux de poing pour composer cette vulcanale dont les mouvantes lueurs dégageaient des ténèbres voisines de larges portions de brandes envahies çà et là par le peuple des arbres.
    –  Ces gens sont des milliers, chuchota Oriabel.
    Tristan tapota les petits doigts glacés réunis sur la boucle de sa ceinture :
    –  Même s’ils n’étaient qu’une centaine, il conviendrait de nous plier aux exigences de Bagerant. Après tout, sa parole peut valoir celle d’un chevalier… J’ai foi en lui puisqu’il a su se montrer magnanime.
    Il mentait. Cette chevauchée pouvait constituer une rémission après laquelle leur protecteur les châtierait devant tous ses hommes. Tiercelet ne les pourrait secourir. Quels truands, quels linfars 41 allaient-ils côtoyer ? Si Naudon de Bagerant exerçait sur leur couple la même surveillance que durant le début de la nuitée, ils pourraient survivre le temps d’obtenir loyalement ou non leur liberté. Il se pouvait aussi que pour se divertir et assister, béat, aux conséquences d’une querelle, le capitaine d’aventure exposât Oriabel aux appétits, provocations ou moqueries de ses compères ; alors, il faudrait tirer souventefois l’épée pour périr sous un ou plusieurs coups de traîtrise. Oriabel serait privée de défendeur, à moins que Tiercelet ne remplît cet office pour, sans doute, succomber à son tour. Mieux valait ne point trop penser à l’avenir.
    Le chemin s’étrécit, étranglé entre deux rochers à semblance de ventres énormes, puis s’agrandit. Naudon de Bagerant arrêta son cheval et se retourna :
    – Héliot !
    Il y eut un galop. Un cavalier passa, penché sur un genet qui renâclait de douleur ou de lassitude.
    – Il est temps, Héliot !… Fais en sorte qu’ils nous voient de loin.
    L’homme tenait une lanterne sourde. Il en allongea la mèche. La flamme frétilla, haute et claire. Un second cavalier vint y allumer son flambeau. Héliot s’en revint à l’arrière tandis que son compère passait à l’avant, agitant très haut la flamme qui brasillait à sa dextre afin d’annoncer l’arrivée d’une troupe amie aux guetteurs de Brignais.
    – Je ne saurais dire par où nous sommes passés, regretta Tristan.
    Bagerant rit sèchement :
    – Que t’importe !… Je ne me suis jamais soucié des lieux où j’allais. C’est le vent qui me pousse.
    « Un vent de mort », se dit Tristan, et comme Oriabel relâchait son étreinte, il se pencha vers elle autant qu’il le pouvait.
    – Ne perdons point courage et gardons l’espérance.
    Si peu qu’il eût entrevu la jouvencelle, il s’était délecté. Les ténèbres rosies par les feux de la colline mettaient aux contours de son

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