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Les amants de Brignais

Les amants de Brignais

Titel: Les amants de Brignais Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Pierre Naudin
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aussi, pour soigner les maux de la chair, des mires et des chirurgiens… Les vitailles et les boissons abondent… Rien ne manque !
    –  Si : le cœur.
    Les captives passaient non loin d’eux, à leur insu. Tristan les observa en se promettant de ne plus jamais céder à cette curiosité malséante. Comme l’une des premières, blonde et jeunette, portait sur le front une flétrissure en forme de croix, il ne put qu’imaginer le fer rouge et fumant profanant cette peau laiteuse. Sa compagne avait reçu des coups de poing armé d’an neaux : de sa bouche suintait une bouillie noirâtre. Une autre, la plus âgée, récemment éborgnée, avait un trou saignant à la place du nez.
    « Dieu qu’on dit de bonté, Votre gloire serait-elle à côté des bourreaux ? »
    Les yeux clos un moment et la gorge serrée, Tristan imagina, contre sa volonté, Oriabel nue, et Bagerant, Tallebarde, le Petit-Meschin et d’autres tournant autour, la palpant, l’empoignant, la forçant.
    – Les frayeurs et meurtrissures, Tiercelet, composent l’essentiel de la guerre. Mais à Brignais !… La lubricité la plus noire ne saurait justifier ces horreurs !
    Il lui sembla qu’Oriabel demandait : « Que dites-vous ? » et que l’eau avait cessé ses tintements.
    – Plains ces femmes, ces gars pour les tourments qu’ils endurent. Rien de plus ! Sais-tu ce que m’a dit hier, à table, ce petit putois d’Espiote ? « Nous avons choisi de nous loger sur ces hauteurs parce que nous sommes au-dessus de tout, et surtout au-dessus des lois. » Et sais-tu comment il appelle ces trois petits qui passent devant nous ?… Eh bien, il les nomme ses pages (2) 24 . Quand l’envie lui en vient, il en fait passer un sous la table.
Cesse !
    Tristan en avait assez. Les captives et les garçons avaient disparu, mais leurs sonnailles continuaient de tinter. Une main se posa sur son épaule. Oriabel. Visage pur, enchâssé d’or. Fermant les paupières, il laissa un moment aller au simple bien-être de la savoir présente, attentive et confiante, décidée, el le aussi, affronter les Tard-Venus abominables. Lui-même à cette idée, se sentait les jambes rompues. Un de ces malfaisants lui chercherait sûrement querelle pour savoir ce qu’il valait, une arme à la main. Il ne pourra éluder ce défi : ces monstres se riaient des propos dilatoires ; il devrait faire immédiatement visage 58 …
    – Bagerant ? Quelle astuce emploierait-il pour lui donne fureur et mésaise ?
    – On vient, dit Tiercelet.
     
    Tristan craignit qu’Oriabel n’eût perçu son frémissement d’angoisse. Elle recula sans hâte et se tint derrière lui, illusoire protection dont il fut satisfait, tout de même, tandis qu’il dégageait son épée d’un bon tiers.
    – Bagerant, souffla Tiercelet en refermant la porte. Je reconnais le tintement de ses éperons à grosses molettes.
    Tandis qu’il retirait son arme du fourreau, un poing de fer tonna contre l’ais de la porte.
    – Castelreng !… Es-tu éveillé ? Bagerant te somme d’ouvrir.
    Il fallait répondre aussitôt sans paraître incommodé.
    – Nous nous apprêtions à sortir. Que veux-tu mâtin ?
    Il avait pris plaisir à jouer sur ce mot. Pour dominer son émoi, la jactance mêlée de moquerie lui semblait composer un remède efficace. À travers les lames de bois fruste, mal jointes, il entendit un bruit de gorge violent comme si le routier, à force de s’ébaudir, était sur le point d’étouffer.
    –  Mais je veux ton bonheur, compagnon !… Votre bonheur.
    – Permets-moi d’en douter.
    Disant cela, Tristan accepta que Tiercelet ouvrît la porte. Son épée, nue, reposait à plat sur sa poitrine ; il en serrait la prise à deux mains.
    – Allons ! Allons, ami  !… Remets cette lame dans son feurre !
    « Non », fit Tristan de la tête.
    Il lui parut qu’au-delà de sa personne, le routier, en armure déjà, considérait Oriabel avec une convoitise dont la jeune fille pouvait s’épouvanter. Il ne se retourna pas pour juger de l’effet d’une telle concupiscence. D’ailleurs Oriabel se collait contre lui, au risque, s’il y avait bataille, de prendre un coup de lame.
    – Je suis venu vous avertir qu’Angilbert a fait dresser un autel au château et que j’ai fait procéder au nettoyage du tinel où nous mangerons après la cérémonie. Vous aurez une chambre et un lit digne de vos amours.
    – Qui donc nettoie ces lieux ? Les

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