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Les amants de Brignais

Les amants de Brignais

Titel: Les amants de Brignais Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Pierre Naudin
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cette cuirasse qui sans doute avait une épaisseur peu commune ; la fente qu’y ferait la pression de l’acier : son acier, acier de saint Michel ; l’acier de Vézelay. Mais sitôt répassé, Bagerant aurait un successeur.
    Une épaisse nausée lui échauffa la gorge, et ses entrailles furent ravagées par une colique qu’il domina en serrant d’un cran sa ceinture.
    – Je ne pourrais jamais agir à ta façon !
    Il fallait qu’il gagnât du temps. Selon ce qu’il avait entendu à la table même des routiers, l’armée royale se préparait. Il importait qu’elle fût assez forte et dédiée pour chasser la truanderie de Brignais et, du même coup, délivrer tous les otages. Alors, la question des rançons, et particulièrement de celle d’Oriabel, ne se poserait plus.
    – Dis-moi ton prix sans plus attendre !… Tu n’as p oint coutume de ménager ceux qui sont à ta merci !
    –  Mille écus d’or tout net, dit Bagerant. Payables l ’un coup, quand tu voudras.
    Tristan resta immobile, bien que ses pensées fussent elles d’un homme en péril de noyade.
    – Oriabel, désormais, te sera doublement chère.
    Aussi bas que cela eût été dit, Tiercelet l’avait entendu. Il alla se camper devant le chef de route qui, aquiet, se mit debout avec un semblant d’effort.
    –  Que te prend-il, brèche-dent ?
    Ignorant la question. Tiercelet s’inclina devant Oriabel :
    – Sais-tu que si ton époux, désormais, t’abreuve de «  ma chère », il aura bien raison ?
    Il riait, faisant montre d’une assurance gaie, presque accoutumée. Sa faconde ordinaire s’effaçait devant quelque chose de, fort et de concis : il se plaçait sans vergogne, par la résolution visible dans son regard, à la hauteur de Bagerant. On eût même dit qu’il le subjuguait.
Mille écus ! dit-il sans rien changer à son sourire noir.
    –  Que te prend-il ? s’étonna le routier avec un tour d’épaule, comme pour rejeter un fardeau inattendu dont le poids sinon le volume, le gênait durement.
    – Il me prend – et tu l’as deviné ! – que je voudrais savoir quelle valeur tu accordes à ta personne.
    – Que t’importe !
    – Tu délibères ou tu refuses ? insista Tiercelet cette fois méprisant. Eh bien, je vais te le dire : tu es comme moi, comme nous tous, fils de porc et fils de truie, tu ne vaux rien du tout, selon nos ennemis… Mais tu te tiens toi-même en haute révérence… Alors, tu vaux combien ? Vas-y : estime-toi !
    C’était inattendu de courage et d’astuce, car pour qu’il insistât ainsi, le brèche-dent devait avoir une excellente raison. Tristan retenait son souffle. Il avait pris Oriabel par la taille ; il ne la regardait d’ailleurs pas, trop attentif aux propos et gestes des deux hommes.
    – Mille écus !… Si ta vie, Naudon, vaut ce prix-là elle aussi, souviens-toi que je te l’ai sauvée, il y ajuste un an, à Frontignan (2) 27 , quand les gens de Montpellier sont accourus pour nous bouter hors de cette cité. Le Petit-Meschin voulait te laisser sur le pavement… Je t’ai chargé sur mon dos…
    –  Je n’ai rien oublié. Où veux-tu en venir ?
    – J’ai soigné ta navrure au flanc. Profonde et large, pas vrai ? Tu avais soif et faim et la fièvre, elle, te dévorait… Tu m’as dit : « Je te revaudrai cela un jour. » Pas vrai ?
    Tristan sentit ses yeux le picoter. Tiercelet encore et toujours à sa rescousse. Pour l’instant, son visage avait quelque chose de presque majestueux. Non : de dominateur ; et sa voix enjouée devenait celle d’un juge :
    – Renonce à tes écus… En redevance de ce bienfait n’essaie pas, si un jour je me trouve en péril de mort, de sacrifier ta vie pour sauvegarder la mienne… ce dont d’ailleurs je doute !… Tu vois, c’est tout simple.
    Jetant un coup d’œil sur Bagerant, Tristan s’aperçut qu’il était effroyablement sombre : sa contrariété se doublait d’une humiliation. Il leva sa dextre pour abriter ses yeux, comme si le regard de Tiercelet le blessait, et ni le brèche-dent ni lui, Tristan, ne purent entrevoir l’expression de son visage. Brusquement, il se pencha, saisit ses gantelets et les mit ; il en fît crépiter les mailles en les frottant l’un contre l’autre tandis qu’un grommellement confus sortait de sa bouche. Puis, avec une débonnaireté assez bien simulée :
    – Je sais ce que je te dois, Tiercelet. Tu n’aurais cependant pas dû te

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