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Les amants de Brignais

Les amants de Brignais

Titel: Les amants de Brignais Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Pierre Naudin
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entourée. Tiercelet couvait d’un regard inquiet la pucelle et la plaignait sûrement, lui aussi, d’être enveloppée d’une robe de misère et chaussée de socques indignes. Comment savoir, maintenant, ce qu’il y avait sous ce front obstiné ? Le brèche-dent pensait-il vraiment convaincre Thoumelin de Castelreng de la nécessité de réunir en pièces, joyaux, riche vaisselle et contributions d’amis du voisinage, le montant d’une exorbitante rançon ? « Je serai libre avec Oriabel, certes , songea Tristan, mais je m’enchaînerai à mes bienfaiteurs… si toutefois Père obtient quelques appuis… » Etre redevable à Tiercelet de son dévouement sans faille et sans échange ne lui déplaisait pas. Toute autre espèce de sujétion lui semblait détestable.
    –  Venez, dit Bagerant. La chapelle est par là… Voulez-vous y entrer avant de venir au donjon ?
    – En fait, dit Tiercelet, ils seront tes captifs.
    Immobile soudain dans l’ombre d’une tour, Bagerant, du revers de son avant-bras, essuya son front pourtant sec. Tout au fond des arcades où ils s’abritaient profondément, ses yeux, si clairs l’instant d’avant, devinrent d’une noirceur d’abîme.
    –  Quatre murs et un lit, une bonne pitance – j’y veillerai – ; deux archères pour voir les oiseaux et le ciel… Et l’amour, Tiercelet !… Tous les gars de Brignais donneraient cher pour être à la place du fiancé !… Afin qu’aucun d’entre eux ne trouble leurs ébats, je mettrai un guisarmier ou un vougier sur le seuil de leur chambre… avec défense d’écouter à l’huis !
    Après tout, c’étaient là des précautions rassurantes, mais il eût fallu être sot d’en convenir. Et puis, Tristan se dit que Bagerant lui portait sur les nerfs, surtout quand il feignait d’être « paternel » ou complice :
    – Tu nous emprisonnes avec des raisons fallacieuses. Les hampes des armes de tes gardes ne seront, en fait, que les bar reaux que tu placeras entre nous et ce pays… Je me résigne… et te demande une faveur.
    – Laquelle ?
    – Que nous ayons accès au faîte du donjon.
Afin de voir venir Bourbon et Tancarville !
    Ils étaient de nouveau exposés au soleil. Des hommes passaient, la plupart guenilleux. Nulle femme. Tristan huma mélancoliquement le remugle des pierres et des crottins d’une invisible écurie ; quelque chose lui rappelait la basse-cour de Castelreng et son enfance prime, faite de petites joies et de sottises entrecoupée par les blâmes de sa mère. Si elle avait vécu, la rançon eût été payée. Elle était tellement douce et persuasive.
    –  Non, dit-il soudain. Je ne me soucie en rien de Bourbon et Tancarville. Je veux que nous nous sentions libres, tout simplement.
    – Soit.
    Entre les hauts murs, la lumière semblait abondante, laiteuse. Leurs ombres s’y allongeaient et s’y mêlaient Oriabel, souvent, baissait la tête. Tristan remonta sa main sous son aisselle tiède. Intimité mousseuse autant qu’une autre à laquelle il ne pouvait que penser.
    – Il me faut de l’encre et une plume, Bagerant… Et un morceau de parchemin… Je me dois d’écrire à mon père, sans quoi, comment pourrait-il agréer Tiercelet ?
    Rieur, le routier grimpa deux à deux les marches accédant au seuil du donjon. La porte vermoulue en était entrouverte. Sur une table exposée au soleil, Tristan vit une écritoire.
    – Hé ! Hé ! J’ai tout prévu, ricana Bagerant. Bonnes ou mauvaises choses, je prévois toujours tout !
    Indifférent en apparence, Tristan s’avisa d’un tabouret, dans un coin et, lâchant Oriabel, s’approcha de la table. Ouvrant le couvercle de la boîte à écrire, il y trouva un morceau de palimp seste (245) pas plus grand que l a main. L’encrier semblait plein d’une encre violâtre mais la plume d’oie avait été récemment retaillée. Bagerant, les yeux bas, dégaina son poignard :
    –  Je ne sais pas lire, Castelreng. Tu pourrais peut-être m’apprendre en attendant Tiercelet.
    – Demande à Angilbert !… Reprends ta lame… Cette plume est parfaite.
    – Je comprends ton refus… Il te faut, si elle ne le sait, enseigner à ta conquête quelque chose de plus… euh… juteux que la lecture !
    Portant sa main à sa bouche pour y comprimer un cri de fureur, Tristan perçut sur sa peau, entre le pouce et l’index, l’odeur d’Oriabel. Fleur et chair, délectable au point que seul, il y eût passé sa langue. Il en fut

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