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Les amants de Brignais

Les amants de Brignais

Titel: Les amants de Brignais Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Pierre Naudin
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toute amitié, bien sûr !
    – Nous n’aurons nul besoin de tant de compagnie !… Je me merveille, Bagerant, de ta sollicitude !
    Tristan se refusait à toute dérision : maintenant, il devait se montrer circonspect tant le routier l’enveloppait, persuasif et têtu, de son amitié moqueuse et détestable « Lui dirais-je que je veux être son lieutenant qu’il me ferait peut-être affronter Héliot afin que je le tue et occupe sa place ! » Mais Bagerant n’eût pas oublié pour autant la rançon d’Oriabel !
    – Quand je vous attendais, un homme est arrivé de Sauges, que Pacimbourg, notre frère, avait conquise fin janvier. Il nous a dit qu’Audrehem mettait le siège à la cité, ce qui prouve qu’on se remue parmi les suppôts du roi (2) 32  ! C’est pourquoi nos gars affermiront encore les défenses du Mont-Rond et feront en sorte de rendre le château d’en bas imprenable !
    Tristan avait pris le parti de se taire. Comme la veille, Oriabel s’accrochait à son bras et baissait les yeux. Les hommes de corvée murmuraient sur son passage, entre deux : « Salut, Naudon » et la peur, en elle, renouvelait son affreux serpentement.
    _ J’espère que les chevaux seront bientôt prêts, dit Tiercelet. Il me faudra aussi un manteau pour la pluie… Quant au reste, j’ai tout ce qu’il faut. Puis sobrement :
    –  Je sais, Naudon, que lorsque l’oisiveté te pèse, tu t’occupes en vilenies. N’exerce pas ta mauvaiseté sur ces deux-là en pensant que je ne reviendrai pas. Je reviendrai !
    –  Que vas-tu penser ? Tout comme eux j’ai envie que tu reviennes.
    – Je sais jusqu’où tu peux aller quand tu es saoul !
    Bagerant sourcilla. L’idée d’avoir à modifier des intentions nullement arrêtées, mais en germe, sembla pénétrer son cerveau. Il rit et se disculpa :
    – J’ai trop de considération pour Castelreng et trop de gratitude envers toi… Si je t’affirme que ton ami et sa… tourterelle seront en sûreté, ne mets pas ma parole en doute… Tiens : je te promets qu’ils se marieront devers nous !
    Il en avait nasillé, haché ses phrases. Il regarda le ciel comme pour le prendre à témoin d’une confusion qui le mettait en rage et versait quelques gouttes de venin supplémentaire dans sa soudaine aversion contre le brèche-dent : qu’il lui eût un jour sauvé la vie constituait un événement de piètre importance, désormais, puisqu’il avait eu l’audace de le lui rappeler devant deux témoins.
    Ils descendirent, contournant des tas de pierres, des rochers et déjections, et ce qui subsistait, fumant encore, des feux à cuire la mangeaille. Des os plus ou moins rongés jonchaient les cailloux et les herbes, certains jetés récemment, d’autres depuis longtemps, de sorte que les lambeaux de viande putréfiée qui subsistaient grouillaient de mouches et de vermisseaux. La fange, toujours. Les besogneux les observaient de loin ou de près, un sourire insolent sur leurs faces hirsutes, et les yeux clignotant d’un ébahissement peut-être véritable.
    « Ils n’ont assurément point coutume, songea Tristan, de voir des nouveaux venus honnêtement traités ! »
    Plus il s’efforçait d’effacer de sa mémoire les énormités commises par ces hommes, plus elles lui marquaient l’esprit. Bagerant, qui les précédait de quelque pas, son bassinet serré entre sa cubitière et son flancar sifflotait ; Tiercelet le suivait, une toise en retrait, et son attention semblait rivée sur le château.
    « Et nous deux, Oriabel et moi, éperdus d’amour et perdus parmi ces monstres ! »
    Angilbert semblait les attendre. Assis sur le montoir au seuil du pont-levis, il faisait, à grands moulinets ronfler sa croix de bois à l’extrémité de sa corde. Voyant de quelle façon les fiancés l’examinaient, il prit un air de componction et sourit de ses quelques dents brunes.
    – Si vous le désirez, je vous marierai maintenant…
    – Il te faut surseoir à la cérémonie, moine ! dit Bagerant. Attendre le retour de Tiercelet dans plus de trois semaines… De ce fait, nous aurons loisir de préparer ces épousailles, crois-moi !… Quelque chose qu’on ne voit ni chez les nobles, ni chez les manants, ni chez les rustiques !
    Tristan se demanda s’ils apprêteraient pour l’occasion quelques divertissements indignes. Les souffrances des deux mortes de la nuit ramenaient obligatoirement sa pensée vers les menaces dont Oriabel se trouvait

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