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Les Amants De Venise

Titel: Les Amants De Venise Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Michel Zévaco
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une
catastrophe… »
    Scalabrino poussa un gémissement.
    « Ta fille, mon bon compagnon, ta fille, nous ne pouvons te
la rendre ce soir.
    – Oh ! j’aime mieux savoir la vérité, si horrible
qu’elle soit ! Bianca est morte, n’est-ce pas ?
    – Non ! pas morte ; du moins, je l’espère… Mais
écoute… »
    Roland saisit les deux mains de son compagnon, et longuement, à
voix basse, il lui parla, lui versant le mal avec le remède, lui
prodiguant les consolations…
    Lorsque Roland eut fini de parler, Scalabrino ne pleura pas, ne
gémit pas. Il murmura :
    « C’est bien, maître… »
    Roland s’écarta doucement, mais il ne s’éloigna que de quelques
pas et alla s’abriter dans un coin d’ombre d’où il ne perdit pas de
vue Scalabrino.
    Le colosse, après quelques instants pendant lesquels la douleur
le paralysa, pour ainsi dire, se secoua comme un sanglier qui va
foncer. Un rauque soupir, peut-être un sanglot, peut-être un
rugissement, gonfla sa vaste poitrine.
    Roland le vit s’approcher de la gondole qu’il lui avait
signalée. Il l’entendit interpeller l’homme qui était assis à
l’arrière. Et il murmura :
    « Il a compris… Imperia est condamnée. »
    Alors, il s’éloigna dans la direction du palais de Bembo.
    *
    * *
    Ni Roland ni Scalabrino, tout entiers à la violente
préoccupation qui les obsédait, n’avaient remarqué une femme qui
s’était approchée d’eux.
    Cette femme, d’abord confondue parmi les curieux qui admiraient
la façade de ce palais derrière laquelle des gens s’amusaient,
était peu à peu demeurée presque isolée. En effet, au moment où
Roland sortait du palais Imperia, les curieux s’étaient lassés
d’examiner les lanternes de couleur, qui d’ailleurs s’éteignaient
une à une, de détailler les richesses des gondoles, et de dévisager
au passage les invités qui commençaient à se retirer. Il ne restait
donc plus sur le quai que quelques rares mendiants, semblables à
ceux qu’on voit à la porte des théâtres : de tout temps le
misérable a cherché quelque pécule en s’improvisant, pour une
seconde, domestique volontaire du riche qui passe ;
aujourd’hui, c’est l’ouvreur de portières. Alors, sur les quais de
Venise, c’était l’avertisseur, celui qui, dans la nuit, appelait le
gondolier du maître.
    La femme que nous avons signalée avait remarqué Scalabrino dès
que celui-ci était arrivé. Bien que le colosse fût masqué et
enveloppé d’un manteau, elle le reconnut à sa taille et à son
attitude.
    Dès lors, elle ne le quitta plus des yeux.
    Cette femme, c’était Juana.
    *
    * *
    Scalabrino s’était approché de la gondole d’Imperia.
    Généralement, cette gondole était conduite par un Nubien,
habillé de soie blanche – somptuosité que maître Pierre Arétin
s’était empressé d’imiter. Mais lorsque la courtisane se promenait
la nuit, comme cela lui arrivait assez souvent, soit qu’elle allât
à un rendez-vous, soit simplement qu’un poétique caprice
l’entraînât – elle remplaçait son noir barcarol par un Vénitien de
haute taille, de force peu commune qui, le cas échéant, l’eût
défendue contre une attaque des malandrins qui pullulaient et
étaient presque aussi nombreux que les sbires.
    L’homme, comme on a vu, était assis à l’arrière de la gondole,
dont la pointe était tournée vers le quai.
    Il sommeillait, attendait le caprice de sa maîtresse qui l’avait
prévenu qu’elle ferait sans doute une promenade.
    « Ho ! le barcarol ! » appela Scalabrino
d’une voix ferme qui ne décelait aucune émotion.
    L’homme se réveilla à demi et souleva la tête.
    « M’entendez-vous ? reprit Scalabrino, tandis que deux
ou trois mendiants s’approchaient, curieux.
    – Qu’y a-t-il pour votre service ? demanda le barcarol
d’Imperia.
    – Un mot à vous dire de la part de la signora
Imperia. »
    L’homme se leva aussitôt, traversa la gondole et sauta sur le
quai en disant :
    « Qu’est-ce ?
    – Je l’ignore ; une des femmes de la signora veut vous
parler à la petite porte du palais.
    – Que peut-elle me vouloir ?
    – Le meilleur moyen de le savoir, c’est d’y aller.
    – C’est juste. »
    Le barcarol se dirigea indolemment vers la partie du palais que
lui avait désignée Scalabrino. Celui-ci l’accompagnait.
    La porte indiquée, c’était celle par où avait fui Bianca. Elle
donnait sur une ruelle, à vingt pas de la

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