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Les Amants De Venise

Titel: Les Amants De Venise Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Michel Zévaco
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brusquement sur elle, craignant peut-être que ce corps ne
disparût tout à coup.
    Elle demeura accroupie, les coudes sur ses genoux, et dans ses
mains, ses cheveux qu’elle tourmentait d’un geste mécanique, et ce
même mot râlait par intervalles sur ses lèvres
frissonnantes :
    « Mort mon amour ! Morte ma vie ! »
    Elle grelottait…
    Sa vie !… Pauvre existence !… Elle défilait maintenant
en larges scènes rapides et, dans chacune de ces scènes, Juana
retrouvait un souvenir de celui qu’elle avait aimé.
    Un mouvement du corps la fit tressaillir.
    Mouvement dû à quelque secousse de la barque ? Non… La
gorge se gonflait sous l’effort d’un soupir, un léger battement des
paupières indiquait que la courtisane revenait à la vie.
    Hagarde, Juana assistait à ce réveil sans faire un geste.
    Enfin, Imperia ouvrit les yeux et son regard se rencontra avec
celui de Juana.
    Ces deux femmes se regardaient, échangeaient pour ainsi dire
leur double folie. Imperia, d’un effort, parvint à se
soulever ; elle s’assit et jeta autour d’elle un regard vague
qu’elle ramena ensuite sur Juana.
    « Qui es-tu ? demanda-t-elle.
    – Je l’aimais ! répondit Juana.
    – Tu aimais… qui ?
    – Sandrigo. »
    Juana, maintenant, éprouvait de nouveau ce désir féroce
d’enfoncer ses ongles dans le visage de la courtisane.
    Imperia éclata d’un rire strident et se dressa toute droite.
    « Sandrigo ! clama-t-elle, Sandrigo !… Tiens,
regarde ! »
    Machinalement, Juana suivit des yeux la direction du bras tendu.
Et, à son tour, elle se dressa, en proie à un paroxysme d’épouvante
et à un vertige de désespoir.
    Là, sous ses yeux, à la surface des flots noirs, dans la clarté
spectrale d’un rayon de lune, près de la gondole chavirée, se
balançait le cadavre de Sandrigo, avec le manche du poignard
formant croix sur le sein.
    « Sandrigo ! hurla Juana démente, mon amour,
attends-moi !… »
    En même temps, elle se laissa glisser dans l’eau ; d’un
geste convulsif, elle étreignit le cadavre.
    Ses bras enlacèrent son cou.
    Les deux corps, le vivant et le mort, s’enfoncèrent.
    Bientôt les têtes seules surnagèrent.
    Juana, avec l’infinie tendresse de son amour demeuré pur jusqu’à
la mort, colla ses lèvres sur les lèvres glacées du cadavre.
    Et tous les deux coulèrent à fond.

Chapitre 8 IMPERIA
    Scalabrino s’était jeté à l’eau au moment où la gondole
chavirait.
    Il nagea sans plus se préoccuper de ce qui se passerait derrière
lui. Ayant atteint le quai, il se dirigea vers l’île d’Olivolo où
il arriva grelottant, non pas tant du froid de cette nuit et de
l’eau dont ses vêtements étaient trempés, que de la fièvre de
surexcitation.
    Roland l’attendait.
    Le premier mot du colosse en le voyant fut :
    « Ma fille ?
    – On n’en a pas de nouvelles ; nous avons inutilement
fouillé le palais Bembo. »
    Scalabrino hocha la tête.
    « Courage ! dit Roland en lui serrant la main ;
Bianca est forte, c’est un esprit ferme ; elle a résisté, j’en
jurerais… nous la retrouverons pure, saine et sauve. »
    Scalabrino s’était assis près de la cheminée où flambait un bon
feu et tendait ses mains.
    « Sandrigo ? interrogea alors Roland.
    – Je l’ai poignardé.
    – Imperia ?
    – Je l’ai noyée. »
    Roland demeura pensif, les yeux fixés sur le rude compagnon qui
avec tant de simplicité lui annonçait une pareille tragédie.
    *
    * *
    Scalabrino se trompait au moins sur un point : Imperia
n’était pas noyée.
    Nous avons assisté à son réveil. Nous avons vu la courtisane –
peut-être folle – revenir à elle, sauvée par Juana.
    Lorsque fut accompli le dernier épisode du drame que nous venons
de raconter, Imperia demeura dans la barque sans faire un
mouvement.
    Ses yeux ne pouvaient se détacher de l’endroit où elle avait vu
Sandrigo et Juana s’enfoncer dans les flots.
    Peut-être ne songeait-elle à rien.
    La barque poussée, ramenée, repoussée par les ondulations des
vagues, finit par aller choquer le quai où elle demeura.
    Quant à la gondole, la magnifique gondole d’amour, elle fut
repoussée vers le large et des pêcheurs la retrouvèrent quelques
jours plus tard dans les sables de la langue de terre qui fermait
le port du Lido.
    Il faisait jour lorsque Imperia se réveilla de cette sorte de
prostration à laquelle elle avait succombé.
    Elle releva la tête. Et elle vit alors que plusieurs

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