Bücher online kostenlos Kostenlos Online Lesen

Les Amants De Venise

Titel: Les Amants De Venise Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Michel Zévaco
Vom Netzwerk:
premier sommeil du
cardinal.
    Bembo écouta, avec ce prodigieux intérêt du condamné à mort qui
entend des pas s’approcher soudain de sa cellule : peut-être
la mort qui vient.
    Tout à coup, il frissonna, agrippé par la fièvre
d’épouvante.
    Ces voix… ces voix…
    Il se jeta à bas du lit et, sur les genoux, pour éviter même un
craquement de botte, se traîna jusqu’à la porte.
    Le trajet dura quelques secondes ; il parut à Bembo qu’il
avait duré une heure.
    À la porte, il colla son oreille.
    Alors, une abondante suée inonda son front, et ses cheveux se
hérissèrent comme il arrive lorsque les nerfs sont portés par
l’effroi à leur maximum de tension, phénomène rare, mais réel.
    Il se mit à reculer, toujours sur les genoux.
    En face de la porte communiquant avec la salle commune, il y
avait une porte-fenêtre ouvrant de plain-pied sur les derrières de
la maison.
    Bembo les avait inspectés en arrivant.
    À droite, il y avait une cour avec des écuries au fond ; à
gauche, c’était un misérable jardinet où l’aubergiste cultivait des
légumes. Le tout était entouré en partie d’une haie, en partie d’un
mur démoli faute de réparations et d’entretien.
    Bembo, parvenu à la porte-fenêtre, entreprit cette œuvre
périlleuse et géante qui consiste à ouvrir quelque chose dans la
nuit, sans faire crier une jointure, sans provoquer un grincement,
alors que l’opérateur sait qu’au premier grincement, une main
d’ennemi va s’abattre sur son épaule.
    Il y parvint, et se trouva dehors.
    Alors, il se dirigea vers l’écurie pour prendre son cheval. Mais
à mi-chemin il s’arrêta court. Pour faire sortir la bête de
l’auberge, il n’y avait pas d’autre moyen que de la faire passer
sous une voûte qui aboutissait à la route et était fermée par une
grande porte charretière. En outre, seller son cheval, le brider,
le faire sortir de l’écurie sans donner l’éveil, l’impossibilité
d’une pareille opération lui parut évidente.
    Ses poings se crispèrent ; un sanglot de peur déchira sa
gorge.
    Il écouta.
    Dans l’auberge, il entendit les allées et venues de l’hôte et de
sa femme, empressés sans doute à préparer un repas aux nouveaux
venus.
    Bembo gagna le mur et l’escalada facilement à un endroit où un
éboulis avait formé une brèche à mi-hauteur d’homme.
    « Je m’en irai à pied », gronda-t-il en lui-même.
    Il se jeta alors à travers champs, dans une course éperdue,
puis, toujours courant, regagna la route qui grimpait aux flancs de
l’Apennin.
    Mais bientôt il réfléchit que ceux qui le poursuivaient
prendraient évidemment cette route, et la sensation qu’ils étaient
là, derrière lui, qu’ils accouraient, qu’il allait les voir le fit
se retourner brusquement, le pistolet à la main, le visage
convulsé, cherchant à percer la nuit de son regard flamboyant… Il
ne vit rien.
    Avec un grognement de menace, de rage et de terreur, il se remit
à courir, cette fois à travers les landes de bruyères, où, par
places, des bouquets de châtaigniers et de chênes-liège dressaient
leurs masses confuses.
    Combien de temps dura cette course folle ? Quels rochers
escalada le cardinal-évêque de Venise dans la nuit, alors que le
souffle de l’épouvante glaçait sa nuque ? Par quels sentiers
abrupts, par quelles gorges profondes se rua-t-il ? Quels
torrents, quels abîmes barrèrent sa fuite éperdue, et comment
parvint-il à les franchir ? Lui-même n’eût pu le dire.
    Ce qui est certain, c’est qu’au soleil levant, un pâtre sorti
pour conduire ses chèvres sur les pentes de la montagne aperçut un
homme étendu au fond d’une gorge étroite, et descendit vers
lui.
    L’homme était évanoui, mais non blessé.
    Le pâtre prit sa gourde et versa sur les lèvres de cet inconnu
quelques gouttes de la liqueur fermentée qu’elle contenait. L’homme
ouvrit ses yeux, se releva précipitamment, et darda un tel regard
que le chevrier raconta plus tard n’avoir jamais vu des yeux plus
hagards, plus effrayants.
    « Qui êtes-vous ? que me voulez-vous ? gronda
Bembo.
    – Un pauvre berger, Excellence, dit le chevrier
tremblant.
    – Et tu es seul ?
    – Seul, comme Votre Seigneurie peut voir. »
    Bembo regarda autour de lui, souffla fortement, puis ramena sur
le pâtre un regard plus rassuré, donc moins terrible.
    « J’ai aperçu Votre Seigneurie, reprit le pâtre, et croyant
qu’elle était blessée, je me

Weitere Kostenlose Bücher