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Les Amazones de la République

Les Amazones de la République

Titel: Les Amazones de la République Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Renaud REVEL
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d’étreindre le métier. Mais comment aurait-il pu en être autrement avec des parents pour qui le Kremlin était une Terre promise ? Et où chaque défilé, de la Bastille à la Nation, dont papa Chabridon connaissait le moindre pavé, tenait de la procession et chaque slogan du cantique ! À l’heure du dîner, les Chabridon refaisaient le monde et le patriarche évoquait Lénine, les yeux baissés en révérence.
    C’est en fréquentant les allées de la politique et en approchant les principaux séminaristes de François Mitterrand qu’elle fit la rencontre de celui qui allait donc devenir l’un des hommes de sa vie, l’ancien ministre de la Défense de François Mitterrand, Charles Hernu, de vingt ans plus âgé qu’elle. Ce dernier l’avait poursuivie de ses assiduités des mois durant, avant de la séduire : l’ayant fait succomber, l’intéressé s’épanchait, radieux, à la buvette de l’Assemblée : « J’ai trouvé ma Jackie ! » – lui aussi ! –, clamait-il, en parlant de celle à qui il suffisait de frotter son regard en direction des parlementaires qui la dévisageaient la mine confite, pour allumer, d’une simple étincelle, des brasiers dans les savanes de la classe politique.
    Jusque dans les rangs de la droite : dès lors que la frimousse de cette jeune journaliste de gauche apparaissait, les convictions des plus intégristes devenaient étonnamment réversibles… « Si Dieu n’existait pas, tout serait permis », a écrit Dostoïevski : s’agissant des femmes et de la sexualité, Charles Hernu, comme François Mitterrand, son complice et précepteur en la matière, revendiquait, reconnaissons-le, un bel athéisme…
    Jacqueline Chabridon publiait ses premiers articles dans les colonnes du journal Combat , célèbre quotidien et bréviaire de la gauche intellectuelle, à l’époque, où elle croisa dans les couloirs une autre débutante : Michèle Cotta. Comme elle, une libellule du journalisme à peine éclose, issue de la bourgeoisie niçoise, tout aussi décidée à s’imposer dans le métier. Inquiet à l’idée que ces deux jeunes femmes ne viennent perturber une rédaction exclusivement masculine, le directeur du journal, Henri Smadja, leur avait donné pour consignes de déposer leurs papiers à la nuit tombée et de reprendre, ensuite, le maquis : sage précaution… Autre temps, autres mœurs : à l’image de certaines salles de garde d’hôpitaux à la nuit tombée, quand la pression retombe et que s’éventrent les réserves à alcool, les soirs de bouclage des journaux, comme les permanences de nuit à Radio Luxembourg ou Europe Numéro 1, prenaient, certains jours, l’allure de véritables lupanars, que la Rome antique aurait homologués sans hésitations. On renversait les tables, dégoupillait les grands crus, tandis que les carabins troussaient stagiaires et consœurs, au milieu des cadavres de bouteilles.
    Disons-le, Jacqueline Chabridon était et reste « une sacrée bonne femme ! » Rarement journaliste aura réussi à conjuguer son métier – qu’elle dévora avec passion et voracité – et des convictions politiques, chevillées à l’âme, sans faire injure au premier, ni renier les secondes. Paroissienne dévote d’une Église – la gauche –, dont elle visite encore aujourd’hui les bénitiers en se signant, cette intime de François Hollande, élevée dans le culte de la reconnaissance de l’homme par l’homme et de la femme avenir du susnommé, a respiré durant une longue carrière les parfums d’un grand nombre de rédactions, sans jamais tomber dans les pièges du militantisme.
    Ayant parcouru, durant près d’un demi-siècle, les travées du PS avec dévotion, elle évita d’en porter l’étiquette. Ce qui relève presque du miracle. Il lui fallut pourtant parfois en rabattre : interpellant un jour de 1962, au Figaro , son rédacteur en chef de l’époque, un homme de vieille race, Louis Gabriel-Robinet, elle évoqua devant lui un sujet qui « monte » dans la société

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