Les Amazones de la République
lambeaux, le seuil de la pièce où reposait la dépouille de lâancien président de la République. Quelques jours plus tard, le 11 janvier, il se rendra également au cimetière de Jarnac. Là encore, François Mitterrand avait requis sa présence. Dans lâAirbus affrété par Jacques Chirac où une centaine de personnes ont pris place, Pierre Favier se retrouve assis à côté dâun autre jeune confrère, Ali Baddou, qui nâest autre, à lâépoque, que le compagnon de Mazarineâ¦
Chapitre 7
Déjà Trierweilerâ¦
Elle le regardait, sans le quitter des yeux, sâavancer à travers une foule de militants, le cernant en rangs serrés. Nous étions à quelques mois de lâélection présidentielle de 1965 et François Mitterrand, alors premier secrétaire du PS, sortait dâune salle des fêtes à quelques kilomètres de Nevers, ville où devait se dérouler le « Banquet des 1 000 », un vaste raout socialiste qui allait mettre sa campagne sur orbite.
Quand il fut sur le trottoir, flanqué de quatre ou cinq lévites, il tourna son mufle vers la rue, balaya les alentours dâun regard matois et piqua enfin vers celle qui lâavait longuement écouté quelques instants plus tôt prophétiser devant ses disciples ses conquêtes futures. « Venez, Jacqueline, je vous emmène avec moi. » Enchantée, Jacqueline Chabridon sâinsinua dans son sillage, avant de sâengouffrer à son côté dans sa voiture. Le véhicule fit quelques kilomètres sur une route nationale, avant de brusquement bifurquer sur un petit chemin forestier, où François Mitterrand stoppa net et coupa le moteur.
Ce haut couturier de la politique, qui travaillait dâordinaire ses conquêtes à lâaiguille, abandonna ses bonnes manières pour du prêt-à -draguer à la hussarde : « Mais quâest-ce qui vous prend, président ?, lança la jeune femme, qui nâétait autre, à lâépoque, que lâépouse de son ami, Charles Hernu. Si vous vous autorisez cela, câest que Charles me trompe ! », asséna celle dont le corsage, visité par des mains expertes, était déjà sous séquestre.
Tout à coup désemparé par cette remarque, François Mitterrand stoppa net sa fouille au corps et battit en retraite, avant de sâemployer à la rassurer sur la fidélité de son mari. Se donnant lâair blasé de celui qui vient de rater la bonne affaire dans une salle des ventes, mais qui sait que le prochain coup de marteau sera le bon, François Mitterrand redémarra sa voiture sans un mot. Silencieuse à ses côtés, Jacqueline Chabridon regardait le profil erratique de cette figure tutélaire : lâhomme de ses rêves, en politique, dont elle sera des années durant une fidèle confidente et conseillère.
Mais lâépisode nâest pas anodin. Parce que les politiques constituent une tribu autour de laquelle les femmes gravitent à petits pas déhanchés, Jacqueline Chabridon savait quâelle ne pourrait pas tenir longtemps bride courte celui quâelle avait épousé. Aussi avait-elle prévenu : elle accompagnerait lâhomme quâelle aimait tout au long de son ascension â ce quâelle fit avec amour, constance et abnégation. Mais elle le quitterait une fois quâil serait au sommet, câest-à -dire député ou ministre. Ce quâelle fit, également. Trop de tristesse, trop de mensonges, trop de tromperie : lâhémicycle est un volcan qui vous aspire et la politique, une lave incandescente qui vous consume, pensait-elle. Et plutôt que de sây perdre, la jeune femme décida un matin de faire son paquetage : elle déserta au premier galon cousu à lâépaule de lâêtre aimé.
Longs cheveux châtain clair, taille de poupée et silhouette faite pour devenir moulage, Jacqueline Chabridon avait 17 ans quand elle monta à Paris de son Allier natal, où elle avait démarré dans la profession comme dactylo et simple assistante dâArmand Jammot, à Radio Luxembourg (aujourdâhui RTL). Fille de communiste, élevée dans une famille mystiquement engagée à gauche, elle avait dâabord embrassé la politique, avant
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