Les Amazones de la République
française et « qui fait débat, notamment au sein des loges féminines de la franc-maçonnerie », argua-t-elle : « la contraception ». Mais celle-ci dut vite mettre le frein, après que son interlocuteur ne lâeut stoppée en plein élan : « Alors, ça veut dire quâavec votre système, on peut sauter impunément sa femme ? » Dévalant les escaliers du journal, elle se précipita au comptoir du premier bar venu et demanda un remontant.
« Tu te débrouilles, mais tu me ramènes quelque chose ! » Deux yeux en forme de billes, un nez de tamanoir aspirant comme personne les fourmis de lâactualité, le tout enrubanné dâun ton caporaliste, Philippe Bouvard parlait, ce matin-là , au dos de celle quâil venait dâexpédier à Brégançon. Jacqueline Chabridon nâavait pas 25 ans et lâéchotier du Figaro , qui dirigeait alors la rubrique « Mondaine » â on dirait aujourdâhui « People » â de ce quotidien, lui avait demandé dâenquêter sur les aménagements décidés par Yvonne et Charles de Gaulle.
Câest ainsi quâelle fut la première journaliste à pénétrer dans les appartements présidentiels du fameux fort. Et câest en se faisant passer pour une tapissière, dépêchée par lâÃlysée, quâelle put pénétrer dans lâenceinte même de cette résidence dâété du président de la République. Vive, jolie, culottée et dotée dâun aplomb rare, Chabridon, de réputation, plaisait à ses patrons. Et Bouvard, qui avait le don de repérer dans son fournil celles ou ceux dont il savait, quâavec un peu de levain, quâils feraient lever la pâte dâun tournemain, lui trouvait de nombreuses qualités.
Pour preuve : quelques mois plus tard, Georges Pompidou, qui a succédé au général de Gaulle, donna à lâÃlysée sa toute première conférence de presse. Il y avait naturellement la foule des grands jours, mais Jacqueline Chabridon trouva pourtant le moyen de sâapprocher du tout nouveau locataire, à qui elle proposa de lui faire visiter, le moment venu, le fort de Brégançon. Amusé de lâeffronterie de cette piquante journaliste, ce dernier accepta. Et câest ainsi que, quelques semaines plus tard, celle-ci jouera les guides, avant de se retrouver dans la chapelle attenante à cette imposante bâtisse, face au couple présidentiel, qui envisageait alors de transformer ce lieu de prière en une salle de ping-pong.
De retour à Paris, Jacqueline Chabridon fera sâesclaffer Philippe Bouvard, lui racontant quâelle avait même loué un pédalo, sur place, afin de longer la côte et vérifier sâil existait ou non une plage bordant le fameux fort. Ce qui aurait pour avantage de faire, le moment venu, des photos du couple présidentiel en maillot de bain.
Croisant, un matin de lâété 2012, soit quarante ans plus tard, Valérie Trierweiler, juste avant que celle-ci ne parte pour quelques jours de repos en compagnie de François Hollande, dans cette même résidence, Jacqueline Chabridon lâavait mise en garde : « Fais très attention, Valérie, car tu sais, on voit tout de la mer. » Embarquée dans un entrechoquement de mille histoires et de mille souvenirs quâelle lui restituait, cette préceptrice hors pair fut de celles qui balisèrent les premiers pas dâune première dame sur laquelle commençaient déjà à pleuvoir critiques et hallebardes.
Mais celle-ci nâentendit pas. Et quelques jours après cet avertissement, VSD et Paris Match publiaient des photos de Valérie Trierweiler en maillot de bain, prises par des paparazzis planqués au large, déclenchant la colère de lâintéressée et un chapelet de procès.
En se liant à Charles Hernu, Jacqueline Chabridon intégra très jeune le premier cercle de François Mitterrand, dont elle fera un jour un long portrait dans le Figaro , lors de la campagne présidentielle de 1974. « Vous nây arriverez pas », avait prévenu Mitterrand, convaincu que ce quotidien, alors dirigé par Max Clos, ne lui ouvrirait jamais ses colonnes. Il fallut beaucoup dâobstination à la
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