Les Amazones de la République
semblez lâimaginer, lâallié objectif de Giscard ! », lui lança-t-elle, avant que François Mitterrand ne sâemporte et lui indique la porte du doigt : « Qui vous a parlé de celui-là  ! Il nâest même pas Lamartine ! »
La brouille était consommée et le fossé allait inexorablement se creuser entre elle, dont les yeux devenaient des loupes et les oreilles des pavillons quand il vaticinait devant elle quinze ans plus tôt, et lui qui soupçonnait alors Michel Rocard de lui chanter lâair à deux temps du mensonge. Lâapercevant un autre jour en compagnie du même Michel Rocard et de Jean-Pierre Chevènement, François Mitterrand sâapprocha et se joignit à la conversation. Avant de se retourner vers Jacqueline Chabridon, à qui il demanda dâune voix suffisamment forte pour que lâintéressé entende : « Vous pouvez me traduire ce que dit votre ami ? »
Elle nâen aura plus jamais lâoccasion : lâinsolente, lâinfidèle, la paria avait choisi Rocard, Belzébuth. Comme on dirait dâune catin qui sâentiche du Milieu ! Hors de ma vue ! Autant François Mitterrand était capable de pardonner à ceux qui franchissaient le Rubicond de la droite, autant il exécutait et bannissait ceux qui folâtraient avec un Rocard soupçonné de vendre, sous le manteau, des topinambours au RPR.
Si bien quâil la répudia. Comme il sâemploiera, quelques années plus tard, à faire disparaître des kiosques Le Matin de Paris , un quotidien de gauche qui, lui aussi, lui avait fait lâaffront de trouver quelques qualités au maire de Conflans-Sainte-Honorine. Celle qui avait démarré une brillante carrière connut alors dâintenses difficultés à exercer son métier. Au point dâêtre obligée, durant ses quelques années de vaches maigres, dâaller piger dans un petit quotidien breton, Le Télégramme de Brest .
Si, au moins, de temps en temps, elle avait pu franchir les grilles de lâÃlysée⦠Mais consigne avait été donné par son locataire : pour Chabridon, les herses devaient rester baissées et son nom blacklisté à lâentrée du Château.
Jusquâau jour où, à sa grande surprise, elle reçut un bristol de lâÃlysée lâinvitant à se rendre de nouveau en Chine⦠« Ah, vous êtes là , Jacqueline ! », lui lança François Mitterrand au pied de lâavion, en faisant mine de découvrir sa présence. « Rendez-vous compte, je suis obligée dâaller jusquâen chine pour vous approcher, puisque je ne peux pas vous voir à Paris, monsieur le président », lui répliqua la jeune femme, en sâefforçant de sourire. Elle vit alors dans le regard de celui qui avait joué avec son corsage, un jour de 1965, une soudaine douceur. Lâécrou était-il desserré ? La sentence sâétait-elle brusquement levée ? Profitant de lâoccasion, la journaliste enchaîna : « Jâai une faveur à vous demander, président. Je suis au placard et ne peux plus travailler. Je ne reçois plus aucune invitation de lâÃlysée et les portes des rédactions me sont toutes fermées. Câest comme si jâavais la peste et câen est devenu insupportableâ¦Â » François Mitterrand inclina de la tête et sâengouffra dans la carlingue.
De retour à Paris, quelques jours plus tard, elle reçut un coup de téléphone du P-DG du Crédit Lyonnais, Jean Deflassieux, qui lui proposa de prendre la direction de la communication de cette grande banque : trop attachée à son métier, elle refusa. Mais que nâa-t-elle fait ! Lors de la « garden party » du 14 juillet 1982, à lâÃlysée, François Mitterrand sâapprocha de la journaliste et lâinterpella : « Alors, Jacqueline, comment ça va ? â Toujours dans mon placard, monsieur le président, lui répliqua-t-elle. â Mais câest très bien pourtant, le Crédit Lyonnais ! Je ne vous comprends vraiment pasâ¦Â ! â Mais comment êtes-vous au courantâ¦Â ? », réagit celle qui venait de deviner que la proposition du haut fonctionnaire
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