Les Amazones de la République
remarque : « Câest embêtant que vous soyez une femme. Quand vous signez dans LâExpress , cela ne se voit pas. Mais quand vous passez à la radio, cela sâentend ! » Cotta fit mine de ne pas relever. Et, comme Anne Sinclair, qui subissait alors le même traitement, décida de se soucier de Gorini comme de son premier mascaraâ¦
Rare sont les journalistes qui ont connu le succès presque au sortir de lâadolescence⦠Journaliste entre toutes, elle a connu tous les hommages. Plus que « mignonnette », Michèle Cotta riait et sâépanouissait dans cet univers où elles étaient quelques-unes à bousculer les codes et les rites dâune sphère recluse dans ses huis clos masculins, telle une Nouvelle Vague grisée par les années « Saint-Germain-des-Prés ». Elle avait du « chien », du charme à revendre et une parfaite connaissance des us et coutumes et des codes du milieu. La politique, sa faune, sa flore, sa jungle, ses peuplades et dialectes⦠Indiscutablement, Michèle Cotta restera pour la postérité la plus grande anthropologue dont le journalisme politique ait accouché après-guerre.
Et, parce que devenue chez elle mécanique et seconde nature, la séduction fut sa première arme. Hachant les hommes en bas morceaux dâun sourire et de quelques artifices dont certains êtres ont la formule chimique, elle sillonna, comme personne, la scène et les arrière-salles de la politique, du sommet de lâÃtat à ses dépendances les plus lointaines. Au point quâà quelques années de distance et dans un même élan, deux présidents de la République, François Mitterrand et Jacques Chirac, lui jurèrent, chacun dans leur style, de tout confesser, quand elle les auscultait avec charme et maestria, en tête à tête et stylo en mainâ¦
Disons-le : personne mieux que cette figure du journalisme, en France, ne sut déchiffrer les pentagrammes dâun personnel politique, dont elle parcourut les cénacles, les coulisses et les boudoirs. Sous les cendres tièdes des hommes quâelle consuma, Michèle Cotta ramassa des lingots de confidences, aussitôt retranscrites dans les colonnes de LâExpress, devenu la caverne dâAli Baba du journalisme politique. « Cash » et sans détours, on la vit sortir un jour, toute guillerette de lâhôtel California, à Paris, où elle avait rejoint un responsable politique : « Jâai des infos ! », lança-t-elle à la cantonade, avant de plonger sur le clavier de sa Remington. Mata Hari et chasseresse, Michèle Cotta pratiqua ainsi parfois et sans véritablement sâen cacher auprès de ses consÅurs ce que les Anglo-Saxons ont baptisé de longue date le pillow talk  : des confidences recueillies sur lâoreiller et couchées sur dâautres pages, quâelle souilla dâencre, avec volupté et talent.
Quel est lâhomme que tu as aimé à en perdre la tête ? », demanda-t-elle un jour à Jacqueline Chabridon : « Pierre Chany ! », lui répondit, sans hésiter et dans un soupir extatique, son amie et consÅur, en évoquant lâune des grandes figures de LâÃquipe et du journalisme sportif. Et Michèle Cotta, qui vécut une grande passion avec lâun des édiles du PS, Claude Estier, de lui répondre dâun air accablé : « Mais quel intérêt, ma chérie ? » La politique est une affaire trop sérieuse pour perdre son temps à butiner en lisière des palais de la République.
Mitterrand et Chirac ? Le premier nomma Michèle Cotta, en 1982, à la présidence de la Haute Autorité, lâune des institutions phares du président nouvellement élu. Et le second, jaloux de cette relation adultérine, lâen débarqua, en 1986, sitôt nommé Premier ministre ! « Cocotte, tu dégages ! », lui annonça ainsi, sans autres détours et dâun ton plutôt cavalier celui qui, tel un adolescent énamouré, lui avait donné un jour son grand mouchoir, sur lequel il avait écrit avec du rouge à lèvres : « Je tâaime ».
Puis vint cette date symbolique du 28Â avril 1988, qui vit les deux hommes sâaffronter, lors du
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