Les Amazones de la République
avez fait la fortune de mon ami. »
Câest par ce biais insolite que cette journaliste pénétra dans le cercle restreint dâune confrérie que François Mitterrand câlinait et à laquelle il parlait avec une politesse toute ronde, quand il admonestait le plus souvent le reste de la profession. Elle fut celle vers laquelle il se dirigea en tout premier, lors de la dernière cérémonie des vÅux à lâÃlysée, fin 1994. Accompagnée ce jour-là du directeur de la rédaction de TF1, Gérard Carreyrou, que François Mitterrand ignora somptueusement â rocardien, puis balladurien, le malheureux, qui cumulait les handicaps, était doublement pestiféré â, Caroline Pigozzi se vit entraîner vers les jardins. « Caroline, je suis sûr que vous voulez voir Upsilon. » Câétait le nom de lâun de ses chiens, un bouvier bernois que François Mitterrand appela au loin, avant quâil ne se précipite dans les bras de son maître : « Câest encore le dernier qui mâobéit », dit-il. Celle qui lui lançait des regards aiguisés tenta ce jour-là de lâinterroger sur son rapport à la séduction.
Et lâhomme aux infinis désirs, chez qui seuls lââge et la maladie eurent raison de sa soif de conquête féminine, confia dans un sourire : « Il est difficile de courtiser les gens que lâon ne rencontre pas. Câest la raison pour laquelle je me suis toujours intéressé aux femmes de mes amisâ¦Â » Câest ainsi que François Mitterrand courtisa assidûment, au milieu des années quatre-vingt, la secrétaire générale du Conseil de la magistrature, Danièle Burguburu, dont le mari, grand avocat et bâtonnier, figurait dans son cercle le plus intime. Ce qui fournit un jour à Pierre Bergé lâoccasion dâun bon mot : « Ces deux hommes ont servi dans le même corpsâ¦Â »
Les voies du Seigneur sont moins impénétrables quâil y paraît⦠On ne résiste pas à lâenvie de conter, pour clore ce chapitre, cette savoureuse anecdote, certes hors sujet, qui veut que Caroline Pigozzi fût la première journaliste française à confirmer le maintien de François Fillon à Matignon à lâhiver 2011. Quand le Tout-Paris politico-médiatique annonçait sa démission imminente. Partie à Rome pour les besoins dâune enquête sur le Vatican, la journaliste de Match y a rencontré un cardinal lui expliquant, avec une totale assurance, que les rumeurs dâun changement de Premier ministre à Paris étaient sans aucun fondement.
Intriguée par son aplomb, Caroline Pigozzi sonda plus loin lâecclésiastique : comment pouvait-il en être aussi sûr ? Et pourquoi, lui, ici, à Rome ? Baissant la voix, le prélat chuchota à la journaliste quâil avait été appelé par un prêtre du monastère bénédictin de lâabbaye de Solesmes, dans la Sarthe, lequel avait eu une conversation sur ce thème avec François Fillon lui-même. Et câest ainsi quâil en fut immédiatement informé. Le Vatican, qui dispose dâun maillage de correspondants zélés à travers le globe, semblait bien mieux au courant des arcanes de la vie politique française que tous les experts réunis de la place à Paris ! Câest ainsi que, grâce aux confessions dâun prêtre et du récit dâun cardinal, Match put publier quelques jours plus tard, en exclusivité, lâinformation selon laquelle François Fillon resterait le Premier ministre de Nicolas Sarkozy.
Chapitre 11
Les gardiennes du Temple
Cerbère de lâancien président de la République, témoin aveugle et muet de ses mille vies, Paulette Decraene fut lâune de ses quatre secrétaires. à ce titre, elle géra une grande partie de lâagenda de celui dont les jours ressemblaient à des poupées russes, où sâemboîtaient parfaitement vie publique et vie privée. Ce pool dâassistantes extatiques, logé dans un bureau jouxtant celui du chef de lâÃtat, organisait le quotidien dâun homme aux activités compartimentées et étanches. Sacristie de lâÃlysée, ce bureau était ainsi le guet quâil fallait franchir, avant
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