Les Amazones de la République
rejoindre dans son bureau ou dans lâun des petits salons contigus, afin de boire un verre au cÅur de la nuit. Avant que Mitterrand, en laboureur des cÅurs, ne moissonne leur intimitéâ¦
Nous avons évoqué plus haut le nom de Kathleen Evin, statue dévote elle aussi : bondieusant dans les antichambres de François Mitterrand, cette journaliste, grandie sous la coupe et à lâombre de ce dernier, fut lâune de ses visiteuses du soir. Embauchée au début des années quatre-vingt au Matin de Paris , elle eut rang de première favorite au sein de cette rédaction. Même si personne ne sut jamais la véritable teneur de leurs rapports. Elle fut aussi une précieuse télégraphiste : quand, sâagissant de vérifier une information concernant lâÃlysée ou son locataire, on faisait immédiatement appel à celle qui téléphonait sur la ligne directe dâun président de la République toujours disponible. Dâun battement de cils, tricotant des escarpins, cette jolie blonde, aujourdâhui productrice à France Inter, franchissait, sans avoir à montrer patte blanche, les portes du bureau de lâhomme dont elle connaissait, depuis son plus jeune âge, bien des pans de lâintimité. La postérité retiendra seulement quâelle fut de celles autour de qui Mitterrand folâtra.
2 . Interlocuteur privilégié , Lattès, 2003.
Chapitre 10
Le joli sein de Saganâ¦
« Le président veut vous voir. » Le rideau avait dâabord frémi, puis sâétait levé dans lâAirbus présidentiel. Dâun pas empressé, lâun des collaborateurs du chef de lâÃtat était venu chercher celle que François Mitterrand venait de convoquer dans le carré confortable, transformé en petit appartement, situé à lâavant de lâappareil.
Et chacun dans la carlingue, parmi le troupeau des happy few , dâobserver, dans un mélange de jalousie et de curiosité, la silhouette de celle qui réajustait coiffure et tailleur, avant que le rideau ne se referme et lâemprisonne. Dans les rangées de lâappareil, un remous fébrile, puis lâonde redevint plate : aspirée dans le saint des saints, la jeune femme avait disparu dans les coulisses dâune scène où la pièce allait se jouer à huis clos.
Journaliste politique sur une grande station généraliste, lâune de celles qui furent invitées ainsi à rejoindre un jour le chef de lâÃtat se souvient dâavoir toléré sa main négligemment posée sur son genou, pendant quâil dissertait sur lâétat du monde. Tout en lâensevelissant sous une épaisse couche de compliments mille fois ravaudés. Combien de fois a-t-on assisté dans ces voyages officiels à cette scène qui voyait un petit cercle de femmes â les unes, journalistes, les autres, ministres ou membres de cabinet â, attendre au terme dâune longue journée ponctuée de réceptions et de dîners officiels un signe désignant lâélue de la fin de soirée ?
Ce fut le cas de lâune des traductrices officielles de lâÃlysée, attachée à la personnalité de François Mitterrand et devenue sa maîtresse. Lors de lâun de ces nombreux voyages présidentiels, beaucoup se souviennent avoir vu lâinfortunée attendre désespérément un signe qui ne vint jamais. Et le visage décomposé dâune courtisane que le roi venait dâécarter⦠Ãconduite, la malheureuse finit par craquer dans les bras dâune journaliste, à qui elle confia lâamour, « à en crever », quâelle ressentait pour celui qui lui avait retiré sa chaise, du jour au lendemain. Lâabandonnant sans un mot.
Ces voyages de François Mitterrand à lâétranger donnèrent ainsi lieu à de multiples épisodes. Ainsi, en février 1988, juste après la disparition du Matin de Paris, Florence Muracciole, qui est alors au chômage, reçut un jour un coup de téléphone de lâÃlysée, lâinvitant à suivre François Mitterrand à la Réunion. « Vous allez changer un peu dâair et cela vous fera du bien », lui avait-il lancé en lâapercevant au bas de la passerelle du Concorde. Au cours du vol, le
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