Les Amazones de la République
dâentrer en Terre sainte.
Chacune était chargée dâune parcelle de lâagenda mitterrandien : lâune, la politique, lâautre, les voyages, une troisième, le cercle familial et le volet le plus privé, et la dernière, les rendez-vous et déjeuners. Si bien que, mis bout à bout, tout cela formait le puzzle dâune vie, dont aucune ne détenait la totalité : seulement des fragments numérotés, catalogués et enfouis dans le disque dur de leur mémoire. Le quotidien de Mitterrand ? Lâhomme révolté de 1981, qui aimait lâordre et le secret, était seul en mesure dâen dresser lâinventaire. Et ses quatre vestales, toutes en dévotions confites, formaient une phalange à la fidélité canine.
Poussé à lâextrême, ce goût du secret passait par des détails infimes. Ainsi, ni le secrétariat, ni les chauffeurs de Danielle Mitterrand nâétaient communs : telle une scène de théâtre, avec ses décors en trompe lâÅil et ses cloisons amovibles, la vie privée de François Mitterrand était un labyrinthe dont lui seul connaissait les plans. Et son quotidien, une succession interminable de subterfuges destinés à brouiller les pistes.
Une séance de cinéma avec Mazarine tenait dâune opération commando : quand il nâallait à Canal +, où son ami André Rousselet et P-DG de cette chaîne mettait à sa disposition sa salle de projection privée, il se rendait dans un complexe à Neuilly ou sur les Champs. Là , trois à quatre gendarmes, attachés à sa sécurité rapprochée, bloquaient quelques places au premier rang, avant de les céder au couple qui débarquait dans la pénombre, avec les premières images du film.
Rencontrée par lâauteur, Paulette Decraene nâa levé quâun voile sur ses trente années passées aux côtés de lâicône, quelques confettis. Lâintéressée laissa seulement entendre que durant les voyages officiels, quâelle effectua tout au long des deux septennats â câest-à -dire la totalité des déplacements de François Mitterrand à lâétranger â, elle avait pu observer la ronde des courtisanes. « Je nâai jamais rien voulu savoir, même si je savaisâ¦Â », sâamuse-t-elle, se souvenant de ces amazones chaloupant dans le sillage de celui qui, la nuque raide et les paupières en éventails repliés, attendait son heure avant dâaller piocher dans le cheptel. Après avoir gravé au burin dans sa mémoire, dâun seul coup dâÅil, la silhouette de celle sur laquelle il avait jeté son dévolu.
Ainsi de Michèle Cotta, quâelle croisa toute jeune, quand celle-ci sillonnait les allées du parti socialiste pour le compte de LâExpress , où elle allumait des incendies. Paulette Decraene, qui a conservé au tréfonds de ses souvenirs des pans entiers de lâintimité de lâancien président de la République â des scènes quâelle rapièce avec mélancolie, dès que la conversation sâemballe â, fut ainsi lâune des toutes premières à être informée de lâexistence de Mazarine. Et ce par la bouche même de François Mitterrand, qui exigea le secret le plus absolu. Celle qui nâen parla jamais, pas même à son époux, commit pourtant un jour, et sans le vouloir, un bel impair, en évoquant cette petite fille devant lâune des propres sÅurs de François Mitterrand : estomaquée, celle-ci en ignorait tout simplement lâexistenceâ¦
Archiviste dâune bibliothèque rose aux rayonnages scellés, cette secrétaire repéra un jour, comme bon nombre dans le cercle intime de François Mitterrand, la présence de Christina Forsne.
Journaliste dâorigine suédoise, Christina Forsne a rencontré François Mitterrand en 1979, à Stockholm, lors dâun congrès de lâInternationale socialiste. Il avait 62 ans, elle 31. Et câest à cette date quâils entamèrent une relation intime qui courra, de manière épisodique, sur pas moins de quinze années et dont la presse se fit lâécho à lâépoque. Démentissant avoir été la maîtresse, de Mitterrand, celle qui
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