Les Amazones de la République
sâil était encore besoin, que la génétique lâavait particulièrement gâtée.
Passionnément et indéfectiblement de gauche, elle avait fait chavirer, en un tournemain, un homme profondément de droite. En apesanteur et soudain plus lié à rien. Si ce nâest à lâair quâelle respirait. Et aux idées et convictions quâelle lui faisait partager. Chirac, au septième ciel, dévorait ce visage à la sensualité qui le consumait : il pensait à elle comme à une promesse, comme à un horizon. Même Valéry Giscard dâEstaing tomba sous le charme de cette mitterrandienne, à qui il alla jusquâà proposer de se présenter, sur lâune de ses listes, aux législatives, à Montluçon ! Ce qui fit éclater de rire celle qui vécut de son métier, parfois difficilement, dâune plume jamais prostituée.
Câest de 1974 que date leur toute première rencontre. Jeune conseiller de Jacques Chirac, Premier ministre, Xavier Marchetti avait convaincu la journaliste â alors en poste au Figaro â dâaccompagner le locataire de Matignon en Roumanie, en vue dâun portrait. Sous la plume dâune mitterrandolâtre, cet exercice nâen avait que plus de saveur, estima lâentourage dâun Jacques Chirac, qui succomba immédiatement au charme de la jeune femme.
Ce voyage fut un enchantement pour celle qui découvrit, sous le verbe amidonné, la jugulaire mentale et les accents martiaux du Jacques Chirac, caporaliste des tréteaux de campagne, un homme délicat, tout en prévenances et attentions. Soudain, de la douceur dans la voix, de la souplesse dans le geste et une pincée de tendresse dans le regard : le bulldozer était passé en mode diesel. Dâun revers de phrase, il balaya ses dernières préventions. Et elle succomba.
Démarra alors une histoire dâamour à nulle autre pareille, de mémoire, sous la V e  République. De rendez-vous clandestins en missives enflammées, ces deux êtres en lisière bousculèrent lâordre établi. Jacques Chirac lui trouva un appartement à Paris, fit installer une ligne directe reliée à celle de son bureau. Et lâensevelit sous des montagnes dâintentions et de cadeaux. Quant aux amies, elles furent un temps tenu à lâécart dâun secret protégé.
Si bien que quand Catherine Nay, Danièle Molho, Michèle Cotta et Jacqueline Chabridon déjeunaient ensemble et évoquaient leur vie amoureuse, la dernière se claquemurait dans un silence prudent. Alors que le Tout-Paris bruissait dâune rumeur qui voulait que Jacques Chirac soit tombé raide dingue dâune mystérieuse et jeune journaliste.
Ces déjeuners se déroulaient selon un rituel quasi établi : une fois lâactualité évacuée, de petits rires étouffés prenaient le relais, provoqués par le grain de poivre écrasé dâun potin. « Où en es-tu sur le plan politique ? », questionna un jour Jacqueline Chabridon, en regardant Michèle Cotta. « Je suis bien avec Mauroy, mais quand je rentre, je vise Rocard », lui répondit du tac au tac celle pour qui Jacques Chirac sera, quelques années plus tard, bien plus quâun confident précieux et un interlocuteur attentionné. Là encore, une source auscultée, visitée sous toutes ses coutures, et intarissableâ¦
Lors de journées parlementaires de lâUDR, en 1975, la journaliste du Figaro finit par évoquer devant sa consÅur le nom de celui auquel elle trouvait « quelque chose » : « Ne me dis pas que tu es tombée sous le charme de ce type ! Nây touche pas, sâexclama son amie, il fait une cour insensée à toutes les femmes. Moi, y compris. Cela ne marchera jamais ! » Lâespace de quelques secondes, il y eut dans le regard de la jeune femme comme un remous inquiet. Et lâonde redevint plate : elle était amoureuse.
Chapitre 19
Le filoutin de Matignon
Dès quâil fut nommé Premier ministre, Jacques Chirac sâentoura à Matignon dâune petite équipe de conseillers, au premier rang desquels sâinsinua celui qui restera lâun de ses affidés des années durant, Jean-François Probst : un homme de lâombre, que le spectacle de la
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