Les Amazones de la République
train en marche ou que je mâen aille. Si vous tenez à votre mari, il faut prendre le train. »
Cet article fit à lâépoque dâimmenses dégâts : accusée dâavoir travesti les propos de Bernadette Chirac, Christine Clerc fut rayée, du jour au lendemain, de la liste des journalistes accrédités à lâHôtel de Ville. Et, vingt années durant, celle-ci ne vit plus ni Jacques Chirac ni son épouse.
Chapitre 18
La dame de fer
à la nuit tombée, dans les longs corridors désertés de lâHôtel de Ville de Paris, les monumentales statues se murmurent des confidences, en hochant gravement le marbre. Quand elles nâéclaboussent pas le sol dâun nuage de poussière, secouées dâun éclat de rire soudain. Elles en ont tant vu avec « le Grand », une mémoire infinie en laquelle elles puisent leurs souvenirs et dialogues nocturnes.
Elles lâont connu avec des actrices italiennes, ou autres. Entraperçu avec des journalistes, dont certaines ont fait dâintéressantes carrières, car « Monsieur Jacques » avait la reconnaissance du ventre, conviennent-elles.
Elles lâont vu aussi avec Marie-France Garaud, gardienne du temple : une muse qui fouetta son orgueil et une gorgone à laquelle Jacques Chirac voua une tendresse prépubère dâun enfant à sa mère, et amoureuse.
Elles se sont figées, enfin, quand déboulait Bernadette : celle sous le masque erratique duquel affleurait de la tristesse, telle une fleur qui se fane élégamment et en silence. Mais elles lâont vu tenir aussi, contre vents et marées, sous les dorures de cet édifice. Et se métamorphoser le moment venu en tueuse, quand la coupe fut pleine. Ce quâelle fit à trois reprises, en obtenant la tête et la répudiation de quelques prétendantes.
Elles ou moi ! Car, entre moult liaisons plus fugaces les unes que les autres, Jacques Chirac eut deux grandes et belles passions dans sa vie que Bernadette sâemploya à détruire : deux amours incandescentes, qui ont pesé, jusquâà mettre en danger son couple et la carrière politique de lâhomme quâelle servit avec abnégation.
Mariée, au milieu des années soixante-dix, au chef du service politique de TF1, Alain Fernbach, la première emporta Chirac comme un fétu de paille, avant que les sicaires de la chiraquie ne lui règlent son sort. Mariée également, la seconde fit voler en éclats toutes les barrières mentales de celui qui fut à deux doigts de tout plaquer et compromettre, également : foyer et destin. Avant que là encore, « Bernie » ne déclenche le feu nucléaire.
La première, journaliste au Figaro , « couvrait » lâhôtel Matignon et suivait celui qui était alors le jeune Premier ministre de Valéry Giscard dâEstaing. Quant à la seconde, journaliste politique à lâAgence France Presse, elle ne quitta pas dâun cil celui dont elle chroniqua lâactivité politique, au début des années quatre-vingt-dix. Conservés dans la naphtaline et dans les replis de la mémoire dâun très grand nombre de journalistes et dâhommes politiques, ces deux chapitres appartiennent désormais à lâhistoire. Parce que lâune et lâautre, à leur manière, ont occupé une place prépondérante aux côtés de Jacques Chirac, jusquâà infléchir parfois certaines de ses convictions en politique â jusquâà influer sur le regard même quâil porta sur la société française â, ces deux femmes méritent un long détour. Et quelques éloges.
Lâamour ne se soucie pas de prévoir les lendemains de son ivresse. Et il est une camisole, dont il est difficile de faire craquer les coutures quand il vient sâemmêler à la politique. La première, Jacqueline Chabridon, en fit ainsi lâamère expérience. Chabridon ? Câétait, dans le métier et en société, une présence éclatante. Du goût en tout, un esprit espiègle et affûté, elle avait vingt et quelques années quand elle rencontra Jacques Chirac. Elle riait aux éclats, agitait une chevelure mordorée et savait enserrer ses interlocuteurs dans un regard hypnotisant. Comme pour les convaincre,
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