Les Amazones de la République
englouti par son fauteuil. Quâil est bon, parfois, de nâêtre quâun simple factotumâ¦
Marie-France Garaud avait-elle dans son fourreau une information, un élément, une bombinette, qui lui permette dâatteindre, voire de briser ce journaliste ? Ou tentait-elle de tester celui dont les traits trahissaient une colère volcanique ? Dans cette pièce, où lâair venait à manquer, le climat était devenu étouffant.
Livide, André Passeron se leva, tourna les talons et quitta la pièce sans un mot, laissant Marie-France Garaud seule face à son enveloppe. Tout aussi blanche que lui, de rage rentrée.
Ayant raccompagné dans ses petits souliers (devenus de plomb) le journaliste jusquâau perron de lâhôtel Matignon, Jean-François Probst â que lâauteur a longuement rencontré â retourna dans le bureau, où Marie-France Garaud nâavait pas quitté son fauteuil. Et il lâa surpris au téléphone avec Jacques Chirac : « Câest réglé, Jacques, jâai opéré Passeron ! », claqua celle qui se targuait dâavoir « débranché » Le Monde de lâHôtel Matignon. Et qui venait de reprendre, par là même, la main sur lâhomme dont il fallait maintenant sâoccuper de la vie privée.
Une tout autre paire de manches.
chapitre 22
Opération Jupiter
On ne sait si câest à Jacques Chirac lui-même, faisant référence à lâastre le plus sublime de notre système solaire, ou à lâun de ses sbires que lâon doit ce nom de code digne dâune série B. Mais « Opération Jupiter » fut en tout cas celui appliqué aux voyages â officiels ou non â, de lâancien Premier ministre, dont Jacqueline Chabridon était. Or seul un petit cercle de conseillers et dâofficiers de sécurité â soumis au secret le plus absolu â connaissait ce subterfuge.
« Viens vite, câest Jacques Chirac au téléphone. » Ce matin de février 1976, lâépouse de Jean-François Probst réveilla son mari. « Vous nâêtes pas encore à Matignon Jean-François ? Je sais quâil est 7 heures du matin, mais rejoignez-moi au plus vite à mon bureau : il faut que je vous parle. » Ni une ni deux, le conseiller enfila un costume et un manteau. Et se précipita vers sa voiture, avant de rejoindre, ventre à terre, lâhôtel Matignon. Essoufflé, Jean-François Probst grimpa quatre à quatre les marches du perron de lâédifice. Avant dâaller frapper à la porte du bureau.
« Entrez vite, Jean-François, et asseyez-vous, câest important ! » Le conseiller trouva Jacques Chirac installé à son bureau, vêtu dâun jean, dâune chemise Lacoste et dâune épaisse veste en laine. « Ah, vous au moins, vous êtes dâattaque le matin ! Ãa fait plaisir ! » Sâadossant à son fauteuil avec le regard de celui qui sâapprête à aborder une question épineuse, Jacques Chirac ajouta : « Vous connaissez bien sûr Jacqueline Chabridon ? â Naturellement, monsieur le Premier ministre », répondit le conseiller, qui sâattendait à tout, sauf à ce nom. Et à cette question. « Câest de ça, dont je voulais vous parler. Et il nây a que vous qui pouvez me rendre ce service. Avec la journée qui se prépare, vous comprendrez que je nâai guère le temps de mâoccuper de ce genre de détails. » Probst aurait volontiers éclaté de rire, mais Jacques Chirac, qui venait de déclencher lâ« Opération Jupiter », ne semblait pas dâhumeur à badiner.
Car, ce jour-là , sâouvrait à Matignon un important sommet social, qui voyait lâensemble des leaders syndicaux et du patronat réunis pour la toute première fois autour de ce jeune Premier ministre : un baptême du feu pour celui quâune meute de journalistes guettait dans la cour dâhonneur.
Mais Chirac avait, à lâévidence, la tête ailleurs. Esclave de sa relation, il ne pensait quâà une chose : retrouver au plus vite celle quâil souhaitait emmener dans ses bagages en Inde. « Comme vous le savez,
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