Les Amazones de la République
jâeffectue une visite officielle à New Delhi dans les prochains jours. Et je veux que vous mâaidiez, afin que Jacqueline mâaccompagne. â Monsieur le Premier ministre, vous savez que vous pouvez compter sur moi. Que puis-je faire ? », lui répondit le conseiller qui sâeffondrait intérieurement : pétri dâambition, Probst avait grandi en politique avec le sens de lâÃtat et du devoir. Et il se retrouvait à gérer les émois dâun Premier ministre empêtré dans sa vie privée. Lui qui se rêvait, sur les bancs de Sciences Po, en templier de la chiraquie, en don Quichotte de la politique, se voyait soudainement raboté au rang dâun Sancho Panza.
« Il faut absolument que vous me procuriez tous les vaccins nécessaires, afin que Jacqueline puisse prendre lâavion. Débrouillez-vous : vous avez toute ma confiance ! » Le garçon quitta le bureau du « Premier » dévasté. Tu parles dâune mission ! Lui qui sâattendait à se voir confier un dossier clé, voire une question relevant de la Raison dâÃtat, dévala les escaliers, passa devant une brochette de ministres et de dirigeants syndicaux, sur le qui-vive guerrier, et se mit en chasse dâun vaccin contre la fièvre jaune. Joignant un médecin de sa connaissance, il lui arracha une ordonnance, avant de filer vers la première pharmacie venue. Dâoù il ressortit, triomphant, le précieux sésame en main. Chirac lâen bénirait : câest déjà ça !
De retour à Matignon, il découvrit un bâtiment en état de siège. La cour dâhonneur nâétait quâun embouteillage de caméras de télévisions et de journalistes massés en rangs serrés au bas du perron. Tandis quâà lâintérieur de ses murs, un parterre de syndicalistes et de ministres revisitait lâun des bas-reliefs de la Cinquième : les accords de Grenelle.
Jean-François Probst parvint à se frayer un chemin au milieu de cette nuée. Avant de se diriger, hésitant, vers le bureau du Premier ministre. Ãtait-il opportun, et à ce point urgent, dâaller déranger celui qui devait présider, quelques minutes plus tard, lâun des sommets sociaux les plus importants de la décennie ? Rebroussant chemin, le conseiller décida de reporter le dépôt du petit paquet quâil tenait entre ses mains.
« Monsieur Probst, monsieur Probst, le Premier ministre vous a fait demander deux fois. Il vous cherche partout et vous attend de toute urgence dans son bureau ! » Un gendarme galonné venait de le héler. Montant quatre à quatre les marches de lâescalier, le malheureux fut ensuite happé à son arrivée par lâhuissier de service, un dénommé Luigi : « Ah, vous êtes enfin là  ! Le Premier ministre mâa dit : dès que vous voyez M. Probst, vous le faites rentrer immédiatement dans mon bureau ! » Et le factotum au visage rubicond, au cou duquel pendait une chaîne qui valait son pesant de cuivre, de se précipiter vers la porte de Jacques Chirac, quâil entrebâilla, sans même toquer : « M. Probst est arrivé, monsieur le Premier ministre. Je le fais entrer ? â Oui, quâil entre et laissez-nous ! »
Sitôt dans la pièce, ce dernier vit Jacques Chirac le fixer dâun Åil inquisiteur : « Asseyez-vous, Jean-François. Vous avez trouvé ce que je vous ai demandé ? » Le jeune homme sâinstalla dans lâun des fauteuils Louis Philippe qui faisaient face au bureau du Premier ministre. La pièce, lourdement ornée, était peuplée dâun bric-à -brac dâobjets et de souvenirs des locataires des lieux. Sur son bureau, un transistor, une photo de Georges Pompidou, une autre du général de Gaulle. Et, dans lâun des recoins de la pièce, un petit cheval de bronze dâorigine iranienne. « M me  Chabridon est vaccinée, monsieur le Premier ministre ! », lâcha dans un sourire de gagnant du Loto, qui lâenrubannait, notre champion. On lui aurait annoncé quâun étage plus bas, lâensemble des syndicats venait de claquer la porte des négociations, que son sommet social venait dâimploser, quâil
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