Les Amazones de la République
la plus officielle, auprès de deux de ses fidèles : Marie-France Garaud et Pierre Juillet.
Ah, la belle idée ! Effondrée, Jacqueline Chabridon comprit à cette seule phrase quâelle ne sortirait pas indemne du combat terrible qui sâannonçait. Elle nageait dans un océan dâinconscience, dâinnocence, sans se poser de questions depuis trop longtemps, perdue dans une confusion de mots et de tout, depuis tant et tant de mois. Et voilà que cette maladresse, cette confidence faite à ces deux sicaires, risquait simplement de pulvériser ses rêves. Et leur histoire dâamour avec.
Que nâavait-il été dire à ces affreux, face à lâintransigeance desquels elle ne résisterait pas ! Comment lui expliquer que, dans cet univers mortifère quâest la politique, la plus sincère des amies, la plus fidèle des confidentes ne reste quâune courtisane aux yeux des entourages ? Or Jacques Chirac ne pouvait ignorer que, dès lors que ses Méphisto enclencheraient leur vendetta â elle serait seule : une femme à abattre pour tous ceux qui guettaient sa chute.
La chasse fut donc lancée. Trop heureuse de pouvoir atteindre Jacques Chirac, la maison Giscard se joignit même à lâhallali, en multipliant fuites dans la presse et rumeurs nauséeuses. Pour le tandem de snipers à la manÅuvre, il était grand temps de remettre en selle leur poulain, quâun bateau ivre avait fait dériver vers un cap Horn qui menaçait de tout emporter : son destin et leurs carrières respectives avec. Le service de presse de Matignon, piloté par Jean-François Probst, fut mis à contribution : consigne fut ainsi donnée pour que les magazines grand public, tels que Paris Match , publient le plus possible de reportages photo montrant le Premier ministre et Bernadette son épouse, côte à côte. Tout devait être fait afin que la réputation du couple ne soit pas entachée aux yeux de lâopinion. Et réhabilitée auprès dâune classe journalistique, qui se répandait et se rengorgeait dans les déjeuners en ville.
Implacables, certains des émissaires de la chiraquie, qui furent dépêchés auprès de la journaliste, allèrent jusquâà en appeler à son sens du devoir : le courage et son sens des responsabilités voudraient quâelle abdique, lui souffla-t-on. Lâun dâeux, pataugeant dans les cloaques de lâindécence, ira jusquâà lui lâcher sur des accents gaulliens, alors quâelle est au bord du gouffre : « Fais-le au moins pour la France ! »
Ãlevé depuis son plus jeune âge dans la soumission à la politique â et depuis le 16 mars 1956 sous la férule dâune épouse, qui lui dévoua sa vie â, Jacques Chirac, quant à lui, se corroda sous un masque de désolation. La politique, le drapeau, la France, son destin⦠Piqué au vif par un aréopage de sous-fifres, Chirac sâinventa des cathédrales dâarguments et de mensonges pour ne pas franchir le pas. Ne sachant que faire ni que dire, il laissa avec une infinie lâcheté ses deux sicaires exécuter celle qui trouva auprès de quelques-unes de ses consÅurs et amies, dont Michèle Cotta et Catherine Nay, une épaule ou béquille : un mouchoir.
5 . Cinq présidents à armes égales , Lattès, 2005.
Chapitre 26
Une de perdue, Jacquesâ¦
« Vous me prenez pour qui ? Vous ne serez jamais rien sans moi ! Et sûrement pas président de la République ! » Les vitres du bureau avaient tressailli et Jacques Chirac â une longue tête de cheval mélancolique parcourue dâinvisibles frissons â, nâen menait pas large : notre virtuose de la pirouette passait un sale quart dâheure. Capable de saillies de corps de garde, Bernadette Chirac, aux oreilles de laquelle était revenue une énième histoire dâalcôve, soldait les comptes : le déluge dâune épouse en capilotade, blême de rage et de tristesse, qui habillait ses phrases de philippiques meurtrières.
Pour tout dire, il pleuvait des noms dâoiseaux sur celui dont elle était décidée à passer lâentourage à la paille de fer. Tels des trophées, elle brandissait, un à un, les patronymes de
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