Les Amazones de la République
sûrement, du scepticisme vers lâathéisme, venait de passer du stade de lâironie à celui dâun accablement abyssalâ¦
Autre déconvenue : ce déplacement sâavérait une entreprise compliquée sur le plan de la logistique. Notamment en raison de sa localisation. Ni téléphone portable, ni Internet â et pour cause, à lâépoque â, et une intendance réduite au minimum : lâorganisation de ce périple, au beau milieu de la forêt guyanaise, prit vite lâallure dâun jamboree scout. Mais également dâun casse-tête pour lâentourage de Jacques Chirac, lequel avait expressément demandé que la messe de minuit, au soir de Noël, soit retransmise, en direct, par les chaînes françaises, en direction de la métropole : un défi technologique pour les équipes de télés embarquées dans le vol du président de la République.
Dans le DC-8 qui sâenvola de Paris pour Pointe-à -Pitre régnait une ambiance décontractée. Circulant dans les travées de lâappareil transformé en promenoir, Jacques Chirac dispensait bons mots et blagues de carabin, avec entrain et bonne humeur. Sâadressant à la marée dévote qui sâesclaffait, il en surajoutait. Paraphrasant Gérard Jugnot dans un film qui verra le jour bien des années plus tard â Les Bronzés  â, un journaliste lança à son voisin : « Ãa démarre très fort ! » Rien à voir, il est vrai, avec lâatmosphère compassée des voyages de Valéry Giscard dâEstaing : même si, sous ses airs de chanoine, sommeillait chez ce dernier un ecclésiastique défroqué, qui avait depuis longtemps laissé croix, clous et missel au vestiaireâ¦
Retourné à lâavant de lâappareil, Chirac sâaffala sur son siège. Avec à son côté une journaliste aux chevilles si fines, au regard si profond, à la voix si claire⦠Un tableau vivant : Jacqueline Chabridon, à lâoreille de laquelle, gagné par un attendrissement soudain, notre don Juan, dont la jugulaire mentale sâétait déclipsée, chuchota quelques mots. Comme dans le secret dâun boudoir. Au fond de la carlingue, un vent de fronde et quelques grincements de dents : nombre de ses consÅurs, transformées en natures mortes, commençaient à sâirriter du caractère de plus en plus privilégié de cette relation. Ãa caquetait ferme, dans la volaillèreâ¦
Accueillie sur place par le maire dâune petite localité nichée au fond dâune forêt tropicale, à deux pas du fleuve Maroni, la petite troupe prit ses quartiers. Lâédile, simplement vêtu dâun pagne, fit le tour du propriétaire, en compagnie du Premier ministre. Lequel organisa les festivités. Câest ainsi que, durant ces quelques jours loin de la capitale, une petite colonie de « gentils membres » fit la noce de manière roborative. Entre farniente, cocktails à rallonge et excursions bon enfant.
Lors du séjour, lâune des journalistes embarquées, Anita Hausser, qui était alors en poste au service politique de RTL, fut littéralement jetée dans une pirogue par quelques-unes de ses consÅurs. Et, par ricochet, dans les bras de Jacques Chirac. Celui qui se plaignait de ses « simagrées » face à ses avances fit son cÅur dâartichaut, le temps de cette escapade, en tête à tête, le long du fleuve Maroni. Lancé dans un interminable monologue, à décourager Proust lui-même, le « Premier » lâensevelit sous une épaisse couche de compliments. Aux petits rires étouffés de la jeune femme, ces ronds dans lâeau étaient une bonne idée, se disait Chirac, qui ne comptait pas sâarrêter là . Lors du vol de retour vers Paris, le Premier ministre, qui savait que la jeune femme supportait difficilement lâavion, demanda à son « Monsieur Afrique », Michel Roussin, de lui trouver un siège plus confortable, non loin de lui, à lâavant du DC-8 gouvernemental.
Touchée par le geste, la journaliste lui adressa en guise de remerciement un petit message griffonné sur un morceau de papier : « Le présent mot vaut kouglof. » Ni une ni deux, Chirac bondit de
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