Les Amazones de la République
celles â des « catins » â dont elle brandirait bientôt la tête au bout dâune pique. Pliant sous les coups, Chirac tenta de lâapaiser, avant de capituler en rase campagne. Et de se réfugier auprès dâun cercle de fidèles embarrassés, qui le suppliaient depuis des semaines de tourner la page Chabridon.
Ayant divorcé de VGE, Jacques Chirac, qui vient de quitter Matignon, sâest installé au vingt-quatrième étage de la tour Montparnasse avec lâensemble de ses équipes. Lâhomme, qui est toujours maire de Paris, voit défiler chaque jour plusieurs de ses proches qui lâenjoignent de ne plus revoir la journaliste. Un cordon sanitaire sâest même installé autour de celui dont la mine mâchée et les regards fixes trahissent du vague à lââme. Les barons de la chiraquie lâont encagé : de Jérôme Monod à Marie-France Garaud en passant par Pierre Juillet, Charles Pasqua ou encore René Tomasini, chacun prend son tour de garde. « Une de perdue, Jacquesâ¦Â », lui serinent-ils sur tous les tons. LâAmour ? Le dernier de leurs soucis. En politique, de telles liaisons nâont pas leur place. Ou alors, il faut les consommer, vite fait et sans sây arrêter, tels des coupe-faim. Et à mesure quâils se déflorent et rassissent, sâen inventer dâautres : piocher dans les rayons de lâHôtel de Ville ou alentour. Et basta !
Mais Jacques Chirac a les plus grandes difficultés à se résoudre à se séparer de celle à qui il fait livrer, à son domicile, comme des bouteilles à la mer, fleurs et boîtes de chocolats. Jean-François Probst fut mis, là encore, à contribution : câest lui qui sâen ira remettre de petits colis à celle que cette rupture a littéralement dévastée. « Alors, comment va-t-elle ? » Happé au pied dâun ascenseur par Chirac, lâémissaire, de retour de lâune de ces missions, lui glissa quelques nouvelles. Comme un âne rétif que rien ne peut faire avancer, il resta là , planté, les sabots vissés à la moquette, à écouter lâhomme lui rapporter des bribes de nouvelles déprimantes. Déconfit, Chirac ne sait plus où il en est. Il offre à ses proches le spectacle dâun être hémiplégique, incapable de réconcilier ses deux hémisphères, le dur et le rêveur, le soudard et le romantique : un homme orphelin, tantôt de lâadolescent quâil fut, tantôt du coureur impénitent quâil reste alors.
Mais, avec les jours et les semaines, sâestomperont, pourtant, chez ce hussard, les fards de la beauté naguère adorée : chronophage, la politique reprit lentement le dessus. Et, avec elle, les échéances qui se dessinaient au loin. Avec, en point dâorgue, une élection présidentielle galvanisante et source dâadrénaline. Ah, lâappel du large, la douce euphorie des campagnes politiques ! Et cette mer aux mille sourires, qui redonne force, vigueur et enthousiasme. Que de vents à dompter, de visages de femmes à séduire et dâéchappées belles sur les routes de France ! Regonflé par ses troupes, Chirac retrouve ses pédales et se remet en selle.
Comment sâopéra lâéviction de Jacqueline Chabridon ? Et quels sont ceux qui furent chargés de « lâexfiltrer » ? Outre Marie-France Garaud, trois autres caciques de lâHôtel de Ville, René Tomasini, Charles Pasqua et Pierre juillet, exécutèrent la vile besogne. Mais ils firent en sorte que, conformément aux consignes strictes de Jacques Chirac, la journaliste soit correctement traitée. Cette dernière séquence, qui ne fut pas des plus honorables pour cette « bande des quatre », reste quarante ans plus tard un secret bien gardé. Selon les thèses qui sâaffrontèrent, à lâépoque, la journaliste se serait vu proposer, en contrepartie de son effacement, non pas une enveloppe, mais une maison dans lâEure ou un appartement de la ville de Paris. On ne sait pas. Et peu importe, tant la méthode fut abjecte et le procédé dégradant. Mais, en ce temps-là , il était admis, et pour ainsi dire institué, quâen politique, tout, oui, TOUT, pouvait se
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