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Les amours blessées

Les amours blessées

Titel: Les amours blessées Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Jeanne Bourin
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ainsi, nullement en beauté pour l’accueillir.
    — Ma Cassandre est devenue blonde ! remarqua-t-il en se penchant pour prendre une de mes mains qu’il baisa longuement. Qu’à cela ne tienne ! Je vous aimais d’ébène. Je vous aimerai d’or !
    Il souriait. Ses yeux étaient d’une couleur qui reflétait le temps. Presque gris sous les nuages d’hiver, verts dans les bois, bleus quand le ciel l’était. Ma sotte rancune fondit d’un coup. Je fis taire Bichon qui s’énervait.
    — Je suis heureux, reprit-il en s’asseyant près de moi. Je vous dois ma nouvelle résidence vendômoise qui me plaît à double titre puisqu’elle me vient de vous et se trouve presque à votre porte. Un court galop m’a conduit jusqu’ici.
    Il tendit la main vers mon petit chien qui se laissa faire puis, pour l’amadouer, se mit à le caresser.
    J’avais intrigué afin que Pierre obtînt cette habitation. Mon mari possédait en effet, non loin de Vendôme, à Lancé, un autre fief du nom de Poymul presque aussi important que Pray. De ce fait, nous étions fort bien avec le prieur de Lancé auquel j’avais demandé de louer à un cousin, gentilhomme, poète et clerc, une demeure appartenant à son ordre qui était également propriétaire de plusieurs autres logements dans la ville. Il ne m’avait pas été difficile d’obtenir l’acquiescement du prieur désireux de nous plaire, et j’avais été fort satisfaite de trouver si aisément un toit pour mon protégé.
    Il s’agissait d’une sorte de castel d’apparence gothique avec des sculptures sur la façade et un vaste escalier de pierre. Situé rue Saint-Jacques, non loin de l’église de la Madeleine, le nouveau domicile de Pierre possédait par-derrière un jardin clos, vrai fouillis de verdure, donnant sur un des bras du Loir qui traversaient la cité. Ce détail devait enchanter mon poète.
    — Vous y serez bien pour composer, remarquai-je en écartant les mèches blondies qui glissaient devant ma figure. C’est un lieu qui m’a paru devoir vous convenir.
    — J’y suis fort bien, affirma Pierre. Voyez-vous, mon cher amour, cet emménagement se présente sous les meilleurs auspices. Il me semble que ma vie va changer, qu’elle va prendre une route nouvelle en ce pays qui est le mien, dans un logis si proche du vôtre. Nous voici enfin réunis. Tous les espoirs me sont permis.
    — Presque tous, rectifiai-je.
    Pierre, qui avait pris Bichon contre lui, le déposa sur mes genoux où sa main s’attarda.
    — Vous êtes seule, délaissée par votre époux, je vous aime, le printemps est de retour… Cassandre, pourquoi élever des barrières là où on n’en a que faire ? Ne vous laisserez-vous jamais aller au simple mouvement de votre cœur ? Aimez-moi, aime-moi ! Tu en meurs d’envie !
    — Peut-être, dis-je en m’emparant de la main trop caressante afin de l’emprisonner entre les miennes, peut-être. Il est vrai que votre retour me ravit, que j’éprouve un vrai bonheur à vous parler seule à seul, mais…
    Il posa un doigt sur mes lèvres.
     
    Las ! Sans la voir, à toute heure je vois
    Cette beauté dedans mon cœur présente :
    Ni mont, ni bois, ni fleuve ne m’exente
    Que par pensée elle ne parle à moi.
     
    Dame, qui sais ma constance et ma foi,
    Vois, s’il te plaît, que le temps qui s’absente
    Depuis sept ans en rien ne désaugmente
    Le plaisant mal que j’endure pour toi…
     
    Pierre possédait une voix juste et souple qu’il conduisait avec adresse, à sa guise.
    Les vers qu’il venait de chanter à mon oreille m’émurent au plus profond.
    — J’aime ce poème, avouai-je sans vouloir relever l’allusion aux nombreuses années durant lesquelles je m’étais laissé chérir sans jamais accorder autre chose que des peccadilles… Il faudra que vous me le donniez dans son entier.
    — Je l’ai composé la nuit dernière, à la fenêtre de la maison que je vous dois, alors que je rêvais à vous, si proche, à toutes les saisons écoulées depuis que vous m’avez ensorcelé !
    — Vous me le recopierez ?
    — Il est à vous. Le voici.
    De son pourpoint de velours indigo, Pierre sortit un rouleau de papier noué d’une faveur. Il me le tendit. En le prenant j’y sentis la chaleur encore présente du corps contre lequel il avait reposé. Je le glissai en rougissant dans mon décolleté, entre mes seins.
    — Décidément, vous êtes aussi jolie blonde que brune, murmura Pierre, penché vers moi.
    Ce

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