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Les amours blessées

Les amours blessées

Titel: Les amours blessées Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Jeanne Bourin
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recevoir ici. Il paraît que vous vous plaisez dans ce beau Vendômois.
    La porte s’ouvrit de nouveau. Un petit garçon de huit ou neuf ans pénétra à son tour dans la salle. Il ressemblait à sa mère. Il me salua tandis que ses prunelles attentives me dévisageaient avec curiosité.
    — Pourquoi n’avez-vous pas les cheveux de la couleur de ceux de Marguerite ? s’enquit-il d’un air réprobateur. Moi, je n’aime que les dames aux cheveux jaunes !
    On se mit à rire et la conversation commença gaiement.
    Qui aurait pu prévoir que cet enfant qui déplorait alors que je ne sois point blonde épouserait une trentaine d’années plus tard ma fille encore à naître ?
    Renforcée par la découverte, prématurée selon moi, que je fis bientôt de premiers fils blancs dans ma chevelure, cette réflexion enfantine eut pour effet de me décider à me teindre. Ce que je fis sans tarder.
    L’automne de notre arrivée à Courtiras se termina en même temps que les transformations apportées par moi dans notre logis. J’y avais fait poser des volets intérieurs, doubler de portières en tapisserie les portes des pièces principales, mettre des rideaux aux fenêtres, installer mes meubles, et aménager une grande volière entre la maison et les communs afin d’entendre de ma chambre le chant des oiseaux et le roucoulement des tourterelles qui me rappelaient Talcy.
    Les mois de froidure qui succédèrent à l’arrière-saison servirent à consolider les liens si spontanés d’amitié qui m’attachaient dès lors à Marie de Musset.
    J’ai fort souvent constaté, tout au long de ma vie, que j’attirais les confidences. Beaucoup de gens se sont confiés à moi. Sans doute parce que je tâche d’écouter les autres avec le plus d’attention possible, que je m’intéresse à leurs tribulations ainsi qu’à leurs états d’âme. En revanche, je me suis rarement laissée aller à me raconter, sauf avec Catherine, mais c’était caquetage de jeunes oiselles, puis avec Marie ensuite.
    Tu es bien la première, Guillemine, à qui j’aurai si longuement parlé de moi…
    À ma nouvelle amie elle-même je ne me décidai à ouvrir le fond de mon cœur qu’après de longs mois…
    Pour commencer, durant les après-midi de neige ou de brouillard où nous nous retrouvions tantôt à la Bonaventure tantôt chez moi auprès d’un bon feu, devant un jeu de cartes ou filant au rouet, dans le calme de mon logis ou dans l’agitation familiale perpétuelle qui régnait chez elle, je me contentais de l’écouter sans parler beaucoup moi-même. J’avais envie de bien la connaître mais je n’éprouvais pas encore le désir de me dévoiler. Avec la grande intelligence du cœur qui a toujours été la sienne, Marie, devinant mes répugnances, ne fit rien pour me brusquer.
    Assises devant la cheminée de la Bonaventure qu’ornait une rôtissoire imposante à poids et à poulies, ou bien devant la mienne, protégées du froid qui montait du dallage par les nattes tressées répandues à même le sol, buvant du vin chaud, nous évoquions sa famille, ses amis, ses préoccupations. Elle s’ouvrait à moi avec une confiance totale. Contrairement à bien des femmes de notre temps qui ne savent dire que du mal de leur époux ou se moquer de lui, elle ne tarissait pas de chauds éloges sur Claude de Musset. Elle louait la noblesse de son caractère, son égalité d’humeur, son esprit. Quand il lui fallait reconnaître certains de ses travers, comme la gourmandise ou un fort penchant à la rancune, elle le faisait avec un tendre amusement qui en minimisait la portée.
    Pour ne pas avoir l’air de m’enfermer dans un silence inamical, je l’entretenais de mes parents, de mes frères et sœurs, de Blois, de Talcy. Faute de pouvoir lui en vanter les mérites, je ne lui parlais que fort peu de mon mari et pas du tout, mais pour d’autres raisons, du poète cher à mon cœur.
    Je préférais attendre. Dieu merci, elle ne s’en formalisait pas le moins du monde et m’entraînait le plus souvent dans de grandes causeries ayant trait à la religion.
    Ce qui m’impressionnait considérablement en elle était la fermeté, la sérénité, le rayonnement de sa foi. À son contact, je découvrais que ma propre croyance était pétrie de conventions, nourrie d’assentiments passifs. Je vouais à Dieu une tiède obéissance, certes, mais aucun élan ne m’avait jamais entraînée vers Lui. Si je me conformais à Ses commandements

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