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Les amours blessées

Les amours blessées

Titel: Les amours blessées Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Jeanne Bourin
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janvier un recueil intitulé : Les quatre premiers livres des Odes de Pierre de Ronsard Vendômois où il affirmait dans une préface insolente son désir de rompre avec ses pairs ainsi que sa propre originalité. Mal reçu à la Cour, cet ouvrage avait dressé autour de Pierre bien des inimitiés. Il lui fallait changer d’horizon.
    Je savais donc que ces mois de séparation ne seraient que passagers, d’autant plus qu’il m’avait chargée de lui trouver une maison à Vendôme, ce dont je m’étais heureusement acquittée. Aussi n’ai-je point été surprise quand il m’écrivit pour m’apprendre qu’il comptait arriver sans tarder afin d’occuper dès Pâques fleuries son nouveau logis vendômois.
    Quand je reçus cette lettre, mon mari était absent. Son service auprès du duc de Bourbon le retenait souvent loin de Courtiras. Ni lui ni moi n’y trouvions à redire.
    Une joie toute neuve m’emplit soudain le cœur. La lettre décachetée se mit à trembler entre mes doigts.
    À travers certains poèmes qu’il m’avait personnellement adressés en plus des Odes, j’avais pu déchiffrer le combat que se livraient sans merci dans l’âme de Pierre une chasteté qu’il lui arrivait de proclamer divine, et une sensualité toujours présente qui exigeait bien d’autres satisfactions.
    De cette lutte entre le cheval blanc et le cheval noir qui tiraient chacun de leur côté le char devant élever leur conducteur jusqu’au Dieu d’Amour, lequel l’emporterait ?
    Si j’avais pu jusque-là, comme lectrice lointaine, demeurer simple spectatrice de cette bataille acharnée, la venue de Pierre dans mon voisinage immédiat allait tout changer. Je deviendrais actrice moi-même. Je me verrais de nouveau engagée aux côtés de mon poète dans une affaire me concernant au premier chef !
    Un émoi délicieux, nourri d’espoirs, de craintes, de scrupules, de tentations, se lovait en moi.
    Que se passerait-il quand Pierre serait fixé à moins d’une demi-heure de Courtiras ?
    C’est au mois d’avril que nous nous sommes revus. Toujours ce début de printemps qui a eu tant d’importance dans nos destinées, tant de résonances dans l’œuvre de Ronsard ! Ce temps était nôtre. Nous le considérions comme un allié…
    Le soleil, encore pâle, déjà chaud, rayonnait sur le val où les arbres fruitiers fleurissaient avec exubérance dans les vergers et les clos, où boutons d’or et narcisses sauvages émaillaient, embaumaient nos prairies.
    Assise à même l’herbe, sur une banquette de gazon qui formait une terrasse devant notre façade, je faisais sécher mes cheveux récemment décolorés. Grâce à une décoction dont ma belle-sœur Marguerite m’avait laissé la composition à base de safran, de cendres de vigne, de paille d’orge, de fusain et de morceaux de bois de réglisse dépouillés de leur première écorce puis broyés avec du citron, j’étais parvenue à obtenir un blond doré du plus heureux effet.
    Le soleil devait parfaire l’œuvre de la teinture. Afin de ne pas me gâter le teint en le brunissant de manière incongrue, je portais, selon la mode venue d’Italie, un chapeau de paille sans fond et à larges bords qui me protégeait visage, cou et épaules. L’absence de calotte permettait à ma chevelure étalée avec soin à l’extérieur et exposée aux rayons solaires de les capter sans que j’en sois incommodée.
    Sur un coussin, près de moi, dormait Bichon, le petit chien de Malte que je possédais à cette époque.
    C’est donc l’air bouffon et l’esprit occupé de futilités que Pierre me trouva.
    J’avais entendu un cheval galoper sur la route puis ralentir pour suivre le chemin de terre menant à notre maison. Je ne m’en étais pas inquiétée. Nos serviteurs empruntaient sans cesse ce passage. Nos fournisseurs également.
    Bichon dressa la tête, huma l’air et se mit à japper. Je voulus le faire taire, mais il redoubla ses aboiements. L’arrivant n’était donc pas un familier.
    Avant même de le voir, ce fut à son pas que je reconnus Pierre. Il y avait quelque chose d’appuyé, de ferme et pourtant de rapide dans sa façon de marcher que je ne pouvais confondre avec aucune autre.
    Il surgit du chemin creux, s’approcha dans la lumière d’avril, s’immobilisa devant moi. Je me sentais un peu ridicule sous mon chapeau sans fond, avec mes cheveux épandus, et mon vertugade blanc quelque peu défraîchi. Je lui en voulus presque de me surprendre

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