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Les amours blessées

Les amours blessées

Titel: Les amours blessées Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Jeanne Bourin
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du mieux que je le pouvais, c’était parce qu’on me l’avait appris et que je m’étais toujours montrée une élève docile, tant avec mon chapelain qu’avec mon précepteur. De là à aimer Dieu, ce qui s’appelle aimer, il y avait un fossé que je n’avais jamais été tentée de franchir.
    — Que voulez-vous, je ne partage en rien la foi folle et superstitieuse ou bien pâle et roide de notre temps, déclarait tout net Marie en filant la laine. Je ressens plutôt un élan comparable à celui de nos ancêtres capables de partir en pèlerinage ou en croisade parce que Dieu le voulait. Je crois comme je respire. Je vais à la messe quotidienne ainsi qu’à un rendez-vous d’amour. Si on y assiste sans ce besoin profond, on ferait aussi bien de rester chez soi !
    Elle riait. Dans sa façon de considérer les choses ayant trait à la spiritualité, il y avait un entrain, une gaieté toniques.
    — Dieu est Vie, continuait-elle. L’adorer, c’est adorer la vie !
    Ce n’était pas ainsi qu’on m’avait présenté les choses. Dans l’enseignement dispensé par ma mère puis par notre chapelain, il était surtout question de crainte, de soumission, de résignation.
    — Le Ciel vomit les tièdes ! Gare à vous, Cassandre ! lançait non sans drôlerie mon amie, tout en me considérant avec affection de ses yeux amusés qui se posaient sur moi comme de doux papillons de velours brun.
    Je soupirais.
    — Aime et fais ce que veux, enchaînait-elle en citant saint Augustin. Si on porte à Dieu une tendresse vive et sincère, on ne peut qu’avoir envie de faire ce qu’Il demande. Ce qui Lui déplaît fait horreur. Notre volonté se fond alors dans la Sienne, en toute liberté, sans hésitation.
    J’écoutais. Je découvrais un mode de pensée que je n’avais pas soupçonné jusque-là.
    — J’élève mes enfants dans le respect du Seigneur, terminait Marie, mais je ne manque jamais de leur affirmer que la joie de vivre est le premier devoir du chrétien.
    Nous abordions parfois le sujet de la Réforme dont la doctrine commençait à se répandre. Non sans une certaine surprise, je constatais qu’à l’égard de ce sujet épineux Marie se montrait très ouverte. Elle cherchait à comprendre les raisons que pouvaient avoir les Réformés de ruer dans les brancards et, Dieu me pardonne, elle leur en trouvait. Le seul reproche qu’elle leur adressait était leur austérité, la rigueur de leur culte.
    — L’Église avait un besoin urgent de se corriger, admettait-elle. C’est entendu. La licence régnait partout. Mais ne pouvait-on nettoyer la tache sans arracher les ornements qu’elle souillait ?
    Sur bien d’autres sujets dont on parlait à l’époque, elle se montrait sans parti pris et de bonne volonté. Je découvris qu’elle se refusait toujours à s’encombrer d’idées reçues. Aussi, ne m’ennuyais-je jamais en sa compagnie. Il émanait de son comportement une telle solidité, un tel feu, un tel appétit de connaître, de comprendre, que les heures passaient très vite auprès d’elle.
    Plus tard, certains de ses enfants se sont plaints devant moi que la personnalité de leur mère écrasait en partie son entourage. Ils lui reprochaient d’avoir pesé trop lourd sur leur formation, de toujours chercher à modeler choses, êtres, événements à sa façon. Peut-être. Mais ce n’était là que les défauts de ses qualités. S’il est vrai qu’en sa compagnie on pouvait se sentir étriqué, sans éclat, sans originalité, il n’en demeure pas moins certain que je sortais toujours des longues journées d’hiver passées avec Marie le cœur pacifié et l’esprit en éveil.
    Au fil des semaines, des mois, notre connaissance mutuelle s’enrichit de mille détails. Cependant, en dépit de nos relations de plus en plus étroites, le printemps revint sans que je lui eusse soufflé mot de Ronsard.
    Je tenais à mon secret. À l’intérêt affectueux de mon amie, j’opposais le besoin de conserver par-devers moi mon unique trésor. Je me le gardais, jalousement.
    Je n’avais pas revu Pierre depuis des mois. S’il occupait toujours mes pensées, c’était plutôt sous la forme d’une douce et confiante attente que dans les affres de la passion. Sans trop oser me l’avouer, je me réservais pour un avenir prometteur.
    Notre changement de résidence tout autant que la froidure m’avaient empêchée de le recevoir mais non pas de le lire. Il avait en effet publié en

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