Les Amours qui ont fait la France
Philippe d’Aulnay, la jeune princesse retrouva son équilibre, son entrain et ses couleurs. Pourtant, les rencontres des deux amants n’étaient pas faciles dans ce palais où le moindre fait était rapporté à Philippe le Bel par une police vigilante. Il leur fallait prendre d’incessantes précautions…
Bientôt, pour plus de sécurité, l’huissier de chambre fut mis dans le secret ainsi que les deux belles-sœurs de Marguerite.
Celles-ci, tout heureuses d’être mêlées à une telle aventure, montaient la garde dans les couloirs et chassaient les importuns. En échange de leur complicité, elles exigeaient que Marguerite leur fit ses confidences et leur relatât par le menu tous ses « entretiens » avec son amant.
Dans ce but, presque chaque matin, les trois jeunes femmes se réunissaient en grand secret, soit dans la chambre de Jeanne, soit dans celle de Blanche. Et ce que racontait à voix basse l’ardente reine de Navarre faisait briller d’envie les yeux des deux sœurs.
Elles aussi auraient bien voulu connaître les joies profondes d’un grand amour. Les étreintes furtives dont elles se contentaient jusqu’alors ne leur suffisaient plus, et c’est pourquoi elles furent dans un état d’exaltation peu commun le jour où elles apprirent que Philippe d’Aulnay avait un frère aussi beau que lui, qui se nommait Gautier.
— Il sera pour moi, décida Blanche.
Jeanne, qui était timide, ne protesta point. Et, le lendemain, Philippe fut prié d’amener son frère. Celui-ci plut aussitôt à Blanche qui le retint dans sa chambre pour une conversation particulière dont il ne sortit qu’au petit matin, haletant, les jambes molles et le regard vague.
Dès lors, Jeanne put se régaler de deux confidences…
Aussi montait-elle une garde vigilante auprès des amants, épiant l’arrivée possible des maris, facilitant parfois des fuites précipitées, allant jusqu’à cacher les chevaliers dans des coffres de sa chambre. Grâce à elle, pendant trois ans, personne ne soupçonna au palais ce qui se passait la nuit dans les appartements des princesses [92] .
Malheureusement, une faute impardonnable allait tout compromettre.
En 1313, en effet, une inconcevable imprudence fut commise par Blanche et Marguerite. Sans doute l’atmosphère grisante des fêtes qui se déroulaient alors à Paris leur avait-elle quelque peu tourné la tête.
Philippe le Bel ayant solennellement armé ses fils chevaliers, toute la capitale était en liesse. Les chroniqueurs qui relatent ces festivités nous disent que « les princes et les seigneurs du royaume qui étaient venus assister à la cérémonie étalaient, à l’envi, la magnificence de leurs harnais et de leurs habits, dont ils changeaient jusqu’à trois fois par jour ».
Le roi, qui avait convié son gendre, Édouard II d’Angleterre, et Isabelle, donna dans les jardins de Saint-Germain-des-Prés un festin où les convives, installés sous des tentes de soie brochée d’or, étaient servis par des domestiques à cheval.
Les rues de la capitale furent illuminées pour que l’on pût danser et boire toute la nuit. Des fontaines de vin coulèrent aux carrefours. Bourgeois et gens du peuple se déguisèrent de plaisante manière, et des ribaudes en profitèrent pour se montrer presque entièrement dévêtues, sous le prétexte de représenter notre mère Ève avant le péché.
La première journée de fête se termina par un incident fâcheux. À peine les souverains anglais étaient-ils couchés dans l’hôtel que Philippe le Bel avait mis à leur disposition, qu’un incendie se déclara dans leur chambre. Ils n’eurent que le temps de se sauver en chemise, ce qui donna matière à plaisanterie…
Est-ce cette aventure qui mit Isabelle de mauvaise humeur ? C’est fort possible. Quoi qu’il en fût, le lendemain, la jeune femme, qui était d’un caractère vindicatif, se montra fort désagréable avec tout le monde, et particulièrement avec ses trois belles-sœurs.
Bouche pincée, l’œil mauvais, elle les considérait avec amertume, les enviant de pouvoir montrer cet air heureux de femmes comblées que son efféminé de mari ne parviendrait sans doute jamais à lui donner.
L’après-midi, les souverains, leurs invités et la cour assistèrent à la représentation d’un mystère et à une procession satirique dirigée contre le pape Boniface VIII.
Pendant que tout le monde s’esclaffait, Isabelle observait ses voisins, à
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