Les années folles
l’intérieur, Yvette Veilleux se
précipitait déjà vers la porte. Par la fenêtre, elle venait d’apercevoir son
mari et son plus jeune fils étendus dans le traîneau. La porte s’ouvrit
brusquement devant Eugène Tremblay. Céline et Anne se bousculaient derrière
leur mère.
– Je te l’avais
dit que j’avais vu passer un traîneau dans notre cour tout à l’heure, dit
Yvette, alarmée, à sa fille Céline.
– C’était
Gérald, lui expliqua le voisin tout en empêchant les trois femmes de s’élancer
dehors. Il est passé par ch ez vous pour venir nous aider à transporter votre mari et votre petit gars, madame Veilleux.
– Qu’est-ce
qui leur est arrivé ? demandèrent Yvette et ses filles en même temps, cherchant
à voir les blessés toujours étendus dans le traîneau.
Eugène
leur fit un signe apaisant en les repoussant doucement à l’intérieur et en
refermant la porte derrière lui.
– Mon Dieu !
Qu’est-ce qui est arrivé ? répéta Yvette, maintenant au comble de l’affolement.
– Du calme !
lui ordonna sèchement son voisin.
– Qu’est-ce
qu’ils ont tous les deux ? reprit Céline, aussi inquiète que sa mère.
– Un arbre
leur est tombé dessus. On est arrivés juste à temps pour les sortir de là, expliqua
le voisin.
– Ils sont
morts ! cria Yvette en se précipitant sur son manteau suspendu derrière la
porte.
– Non, non ! fît Eugène. Arrêtez de vous énerver comme ça.
Ils sont juste blessés.
– Et Adrien ?
– Lui aussi, madame
Veilleux. Mais je suis pas docteur, je sais pas ce qu’il a exactement.
– Je lui
avais dit aussi de pas l’amener dans le bois, que c’était pas une place pour un
enfant de neuf ans, dit-elle, bouleversée.
– Ça sert à
rien de revenir dans le passé, m’man, la raisonna Céline.
– Votre fille
a raison, déclara Eugène. Le mieux est peut-être d’installer votre petit dans
le salon, sur le sofa. Pour votre mari, on peut toujours l’étendre dans son lit.
Après, Clément va aller chercher le docteur à Pierreville.
Céline
entraîna sa sœur Anne dans l’escalier pour aller chercher de la literie à l’étage.
En un tournemain, les deux sœurs transformèrent le sofa en lit de fortune dans
le salon. Une minute plus tard, Bruno Pierri entrait dans la pièce en portant
Adrien dans ses bras.
– Mon Dieu !
s’écria Yvette, en larmes, en apercevant son petit. Il a l’air mort. Il bouge
pas pantoute. Qu’est-ce que vous lui avez fait ? Il est mou comme de la guenille, cet enfant-là.
Comme
pour répondre aux cris de sa mère, Adrien se mit à geindre, mais sans ouvrir
les yeux. Yvette se jeta à genoux à côté du sofa et passa doucement une main
sur le visage de son fils avant de lui retirer, avec l’aide de Céline, son
manteau et ses bottes . Pendant ce temps, Anne guidait Eugène, Clément,
Gérald et Jérôme qui transportaient son père dans sa chambre. Yvette quitta un
instant son fils pour venir dévêtir son mari avec l’aide de Jérôme. Clément
annonça alors qu’il allait chercher le docteur Courchesne à Pierreville.
– Vas-y et
perds pas de temps, lui dit son père, demeuré debout dans l’entrée de la
chambre en compagnie de Bruno Pierri. Nous autres, on va rentrer à pied à la maison.
– Jérôme peut
bien aller vous mener, proposa Yvette en déposant le manteau de son mari sur
une chaise.
– Laissez
faire, madame Veilleux, refusa Eugène. On a pas loin à marcher. Inquiétez-vous
pas, ça va aller. Adrien a l’air d’avoir rien de brisé et il saigne pas. Pour
votre mari, je dirais que le mieux serait peut-être de lui faire boire quelque
chose de fort pour endormir un peu son mal.
– Torrieu que
ça fait mal ! se plaignit soudain Ernest Veilleux en sortant de la
demi-inconscience dans laquelle il avait sombré quand on l’avait transporté à l’intérieur de la maison.
– Vous nous
ferez donner des nouvelles par Clément quand il sera revenu de Pierreville, ajouta
Eugène en se tournant vers Céline au moment de quitter la maison avec Pierri et
Gérald.
Chapitre 19
Le mauvais sort
Au
moment où les trois hommes s’engageaient à pied sur la route, Antonius Tougas
arrêta son berlot près d’eux.
– Qu’est-ce
qui se passe ? demanda le grand homme maigre. Je viens de croiser ton
Clément. Il s’en allait à la belle épouvante vers le village.
– Les Veilleux
viennent d’avoir un accident dans le bois, dit Eugène. Un arbre
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